Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/334

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poussait, puis à lui ôter la vie. Elle défit le nœud fatal, et, plaçant le corps du vieillard entre les mains de lord Glenvarloch, elle courut chercher de l’eau et des liqueurs spiritueuses, dans l’espoir que l’existence n’était que suspendue ; mais elle vit bientôt combien cet espoir était vain. Elle lui frotta les tempes, lui releva la tête, ouvrit sa robe de chambre (car il paraît qu’il s’était levé de son lit en entendant entrer les brigands), et enfin réussit, quoique avec peine, à étendre ses mains roidies et fortement fermées. Il tomba de l’une une clef, de l’autre cette même pièce d’or qui, peu de temps auparavant, avait causé tant d’inquiétude à ce malheureux homme, et que, dans l’état d’affaiblissement de ses facultés intellectuelles, il était disposé à défendre avec une énergie aussi désespérée que s’il se fût agi d’un bien nécessaire à son existence.

« C’est en vain ! c’est en vain ! » dit Martha en renonçant à ses inutiles efforts pour rappeler une existence qui venait de s’éteindre ; car le cou du vieillard avait été tordu par la violence des meurtriers ; « c’est en vain ! ils l’ont assassiné… Je savais bien que cela finirait ainsi, et maintenant j’en suis témoin. »

« Elle saisit alors la clef et la pièce d’or, mais ce fut pour les jeter avec violence sur le plancher, en s’écriant : « Soyez maudites toutes deux, car c’est vous qui êtes la cause de ce meurtre ! »

Nigel voulait parler, et lui rappeler qu’il était nécessaire de prendre sur-le-champ des mesures pour poursuivre le meurtrier qui s’était échappé, comme aussi pour la mettre elle-même à l’abri de son retour. Elle l’interrompit brusquement.

« Laissez, laissez, dit-elle ; croyez-vous que les pensées qui s’élèvent en moi ne soient pas suffisantes pour m’ôter la raison, avec un tel spectacle devant les yeux ? Cessez, dis-je, » répéta-t-elle d’un ton plus dur encore… « une fille peut-elle rien écouter quand elle tient sur ses genoux le corps assassiné de son père ? »

Quoique lord Glenvarloch fût étourdi de la violence de cette douleur, il n’en sentait pas moins l’embarras de sa situation. Il avait déchargé ses deux pistolets ; le voleur pouvait revenir ; il avait probablement d’autres complices que l’homme qui avait péri, et il lui semblait même entendre un murmure sourd sous la croisée. Il expliqua brièvement à sa compagne la nécessité de se procurer des munitions.

« Vous avez raison, » dit-elle avec une sorte de mépris ; « et vous vous êtes déjà exposé plus que je ne l’attendais d’aucun