Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/320

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« Oui, milord, je voudrais vous voir épouser cinquante bonnes mille livres sterling, car le vieux Traphois en a amassé tout autant, et même plus ; et ce sera faire un acte de charité envers ce pauvre homme, qui perdrait ses écus plus désagréablement ; car, maintenant qu’il n’est plus en état de rien faire, le jour des comptes ne tardera probablement pas à venir. — En vérité, c’est une offre flatteuse, dit lord Glenvarloch ; mais je réclame de Votre Grandeur, très-noble duc, de me dire pourquoi vous disposez de cette riche héritière en faveur d’un étranger comme moi, qui peut vous quitter demain. — Ma foi, milord, dit le duc, cette question-là se ressent de l’esprit qui domine à l’Ordinaire Beaujeu au-delà de tout ce que j’ai entendu dire à Votre Seigneurie, et il est juste que j’y réponde. Quant à mes pairs, je dois apprendre qu’ecclésiastique ou laïque, miss Martha Traphois n’en veut pas. Le capitaine l’a demandée, ainsi que le ministre, mais elle les a refusés… elle a des vues plus hautes que cela ; et, pour dire la vérité, c’est une femme de bon sens et d’un esprit un peu trop ambitieux pour s’accommoder de la jaquette grasse ou de la vieille soutane. Quant à nous, il nous suffira de dire que nous avons une épouse dans la terre des vivants, et, qui pis est, que mistress Martha le sait ; de sorte que, comme il faut un homme de qualité pour la faire renoncer au célibat, c’est vous, milord, qui êtes précisément l’homme qu’il lui faut, et qui devez vous voir en possession de ces cinquante mille livres sterling, dépouilles de cinq mille dissipateurs, tapageurs et vauriens, et déduisant toutefois de ladite somme cinq mille livres sterling pour prix de nos bons avis et de notre auguste protection, sans laquelle, de la manière dont les choses se passent dans l’Alsace, vous auriez de la peine à réussir. — Mais votre sagesse a-t-elle considéré, monsieur, répondit lord Glenvarloch, en quoi cette union peut me servir dans la circonstance où je me trouve ? — Quant à cela, milord, dit le duc Hildebrod ; si avec quarante ou cinquante mille livres sterling dans votre poche vous ne savez pas vous tirer d’affaire, vous méritez de perdre la tête pour votre folie, et le poing pour avoir eu la main trop serrée. — Mais puisqu’il a plu à votre bonté de vous occuper si sérieusement de mes affaires, «répliqua Nigel, pensant qu’il serait fort imprudent de chercher querelle à un homme qui, au fond, ne cherchait pas à l’offenser, mais plutôt à lui faire du bien à sa manière, « peut-être pourrez-vous me dire comment mes parents seront disposés à recevoir l’épouse que vous me proposer ?