Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/319

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lord Glenvarloch ; je quitterai White-Friars demain… que dis-je ? j’en partirai aujourd’hui. — J’espère que votre colère vous inspirera une résolution plus sage, dit le duc Hildebrod. Écoutez d’abord ce que j’ai à vous dire, et si l’honnête Jack Hildebrod ne vous met pas dans le cas de les attraper tous, puisse-t-il ne jamais jeter un dé ni faire une dupe de sa vie. Ainsi donc, milord, en termes clairs, il faut filer la carte et gagner. — Vos termes ont besoin d’être encore plus clairs pour que je les entende, dit Nigel. — Comment diable ! un joueur, un homme qui a manié les os du diable, ne pas entendre ce français-là ! Il faut donc alors que je vous parle tout bonnement anglais, c’est la langue des sots. — Parlez donc, monsieur, et soyez bref, je vous prie, car je n’ai que peu de temps à vous accorder. — Eh bien donc, milord, pour être bref, comme vous le dites, et les procureurs aussi, j’ai appris que vous aviez un domaine dans le Nord, qui va changer de maître par manque d’une somme d’argent nécessaire pour le dégager… Oui-da, vous semblez surpris ; mais, comme je l’ai déjà dit, vous ne pouvez pas m’en imposer. Je sais que le roi vous fait la grimace, que la cour vous souhaite le bonsoir, que le prince vous regarde de travers, que le favori vous fait la mine et vous tourne le dos, et que le favori du favori… — Et pour couper court, monsieur, interrompit Nigel, supposons que tout cela soit vrai, que s’ensuit-il ? — Ce qui s’ensuit ? reprit le duc Hildebrod ; ma foi, il s’ensuit que vous devrez de la reconnaissance à celui qui vous aura mis dans le cas de vous présenter fièrement devant le roi, le chapeau retroussé comme si vous étiez le comte de Kildape, de narguer les courtisans, de soutenir d’un front hardi le regard foudroyant du prince, de braver son favori, de déjouer tous les complots du favori du favori, etc. — Tout cela est très-bien, » interrompit de nouveau Nigel ; « mais comment la chose peut-elle se faire ? — En te créant roi du Pérou, milord des latitudes septentrionales, en relevant ton vieux château et l’étayant sur des lingots, en fertilisant tes champs ruinés avec de la poudre d’or… Il ne t’en coûtera que de mettre, pendant quelques jours, la couronne de baron sur la tête de la vieille fille caduque du maître de la maison, et tu deviens maître d’une masse de trésors qui te permet de faire tout ce que je viens de dire, et… — Quoi ! vous voulez me faire épouser la vieille demoiselle de la maison, la fille de mon hôte ! » dit Nigel surpris et humilié, et ne pouvant cependant contenir son envie de rire.