Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/284

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sait au sanctuaire secret où quelques vieux buveurs avaient coutume de faire leurs libations du matin, et où d’autres timides amateurs du petit verre venaient, d’une manière indirecte, avaler la goutte de liqueur, après être entrés par la boutique du barbier sous prétexte de se faire raser. Cette petite salle obscure avait en outre une issue conduisant à l’appartement de dame Ursule : c’est par là qu’elle passait pour agir dans le cours de ses diverses fonctions, pour faire sortir ou entrer secrètement ceux de ses clients qui ne se souciaient pas de lui rendre visite ouvertement. En conséquence, après midi, heure à laquelle les buveurs honteux, qui étaient les meilleures pratiques de Benjamin, avaient fini de prendre leur petit verre, la petite salle changeait de destination, et le soin d’ouvrir la petite porte de derrière passait d’un des apprentis du barbier à la petite mulâtresse, l’Iris à teint cuivré de dame Suddlechop. Alors arrivait mystère sur mystère ; alors on voyait se glisser dans les sombres détours de l’allée des galants enveloppés dans leurs manteaux, des femmes masquées et se cachant sous différents déguisements ; et tout, jusqu’au léger coup de marteau qui réclamait l’attention de la petite créole, avait quelque chose qui indiquait la crainte d’être découvert.

Ce fut le soir du jour où Marguerite avait eu avec lady Hermione la longue conversation que nous avons rapportée, que dame Suddlechop donna ordre à sa petite portière de tenir la porte fermée aussi exactement que la bourse d’un avare, et si elle faisait cas de sa peau de safran, de ne laisser entrer que la personne dont elle lui dit tout bas le nom en l’accompagnant d’un geste expressif. La petite créature fit un signe d’intelligence et s’en alla à son poste ; un moment après, elle introduisit en présence de la dame ce même bourgeois de la Cité dont nous avons dit que les habits allaient si mal à sa taille, et qui s’était si bravement comporté dans la querelle chez Beaujeu, la première fois que Nigel fut présenté à l’Ordinaire. La jeune mulâtresse l’annonça : « Maîtresse, dit-elle, voilà le beau gentilhomme tout d’or et de velours ; » puis elle murmura entre ses dents en fermant la porte : « Un beau gentilhomme vraiment ! lui être apprenti de celui qui fait le tic-tac. »

C’était en effet, nous le disons à regret, et nous espérons que le lecteur partagera l’intérêt que nous y prenons, c’était en effet l’honnête Jin Vin, qui, livré à sa mauvaise tête et abandonné de son bon ange, s’était émancipé au point de se travestir de temps