Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/28

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tres motifs pour m’engager à paraître plus fréquemment devant le public… cet émolument est la taxe volontaire que le public paie pour un certain genre d’amusement littéraire ; elle n’est exigée de personne, et ceux qui veulent bien se l’imposer sont probablement en état de le faire : ils y trouvent sans doute une satisfaction proportionnée à leur dépense. Si ces volumes ont mis en circulation une somme immense, en ai-je profité tout seul, et ne puis-je pas dire à cent individus depuis l’honnête Duncan, manufacturier de papier, jusqu’aux plus humbles apprentis d’imprimerie[1] : N’en avez-vous pas reçu votre part ? n’avez-vous pas reçu vos quinze sous ? Je pense, je l’avoue, que notre moderne Athènes m’a beaucoup d’obligations d’avoir établi dans son sein une si vaste manufacture ; et quand la mode viendra de se faire nommer au parlement par le suffrage populaire, fort du crédit de tous les ouvriers barbouilleurs qui travaillent à la littérature, mon intention est d’y postuler un siège.

Le capitaine. Voilà le véritable langage d’un fabricant de calicot.

L’Auteur. Encore du charlatanisme, mon cher fils… Il y a aussi de la chaux dans ce vin-là… tout n’est que falsification dans ce monde ! Je le soutiens en dépit d’Adam Smith et de ses partisans, un auteur à succès est comme le laboureur auquel on doit le produit de la terre ; ses ouvrages constituent une partie aussi effective de la richesse publique que les marchandises de toute autre manufacture. Si une nouvelle denrée, ayant une valeur intrinsèque et commerciale, est le résultat de l’opération, pourquoi les ballots de livres d’un auteur seraient-ils regardés comme une partie moins avantageuse de la fortune publique que les marchandises de tout autre manufacturier ? Je parle par égard à la circulation de l’argent qui se répand dans le public, et au degré d’industrie qu’un ouvrage, même aussi frivole que celui-ci, doit exciter et récompenser même avant que les volumes aient quitté le magasin de l’éditeur. Quant à mes émoluments, ils sont le prix de mon travail, et je ne me crois responsable au ciel que de la manière dont je les emploie ; les gens de bien penseront peut-être que la somme n’est pas employée tout entière au profit de l’égoïsme, et, sans que celui qui les dépense prétende s’en faire un grand mérite, qu’une portion dirigée par le ciel peut aller remplir la poche du pauvre.

  1. Le texte dit printer’s devils, parce qu’en Angleterre on appelle diables les petits garçons d’imprimerie, spécialement chargés de porter et de rapporter les épreuves d’auteur. a. m.