Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/257

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spectre de maître Heriot suffisait dans ses moments de plus grande gaieté pour arrêter le cours de son babil communicatif et la rendre silencieuse.

Nous ne rapportons ceci que comme une preuve de la force prématurée du caractère de Marguerite ; force cachée sous une humeur légère et sous mille caprices fantasques, comme un antique et massif arc-boutant est souvent couvert de lierre et de fleurs sauvages. Au fond, quand la jeune fille aurait dit tout ce qu’elle avait vu et entendu dans l’appartement Foljambe, il n’y eut pas eu de quoi satisfaire la curiosité de ses interrogateurs.

Dans les premiers temps, lady Hermione avait coutume de reconnaître les attentions de sa petite amie, en lui faisant présent de quelques élégantes bagatelles, et de l’amuser en lui montrant des objets étrangers, rares et curieux, dont quelques-uns étaient d’un prix considérable. Quelquefois le temps se passait d’une manière moins agréable pour Marguerite : c’était lorsque Pauline cherchait à lui enseigner quelque ouvrage d’aiguille. Quoique la maîtresse s’en acquittât avec une adresse qui n’était alors connue que dans les couvents étrangers, l’élève se montrait d’une indolence et d’une maladresse si incorrigibles, que les ouvrages à l’aiguille furent à la fin abandonnés, et des leçons de musique les remplacèrent. Pauline excellait aussi dans l’enseignement de cet art, et Marguerite, qui avait naturellement des dispositions à ce talent, fit bientôt de grands progrès dans la musique vocale et instrumentale. Les leçons avaient lieu en présence de lady Hermione, à laquelle elles paraissaient faire plaisir ; quelquefois même elle joignait sa voix pure et mélodieuse à celle de sa jeune amie, mais c’était seulement lorsque la musique était d’un genre religieux. À mesure que Marguerite se formait, ses relations avec la recluse prirent un autre caractère. Sans l’y encourager, on la laissait parler de tout ce qu’elle avait vu au dehors, et lady Hermione, en découvrant l’esprit vif et pénétrant et le jugement observateur de sa petite amie, trouvait souvent l’occasion de la prémunir contre la légèreté avec laquelle elle se formait une opinion, et contre la vivacité qu’elle mettait à l’exprimer.

Le respect avec lequel elle avait coutume de regarder cette dame singulière faisait que mistress Marguerite, quoique peu habituée à supporter la contradiction ou les reproches, écoutait avec patience ses conseils et rendait justice aux intentions qui