Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/255

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verait un sérieux mécontentement si quelqu’un cherchait à pénétrer ce secret.

Mais, quoique les générosités que recevaient les domestiques d’Heriot les engageassent à se taire, et que le respect et la crainte que lui inspirait son frère eussent fermé la bouche à la tante Judith sur tous ces arrangements, ils étaient de nature à ne pouvoir échapper aux remarques critiques des voisins. On disait que le riche orfèvre était sur le point de se faire papiste et de rétablir le couvent de lady Foljambe. Les uns prétendaient qu’il devenait fou, d’autres encore qu’il allait se marier ou faire pis. Cependant la régularité avec laquelle maître George allait à l’église, et la connaissance qui se répandit que la prétendue religieuse assistait tous les jours aux prières de l’Église anglicane qui se faisaient en commun, le justifièrent bientôt du premier de ces soupçons. Les gens qui traitaient d’affaires avec maître Heriot ne pouvaient douter qu’il n’eût la tête très-saine ; et pour démentir les autres bruits, ceux qui prirent à cœur d’approfondir cette affaire ne tardèrent pas à assurer que maître George ne faisait de visite à la jeune dame qui logeait chez lui qu’en présence de mademoiselle Pauline, qui restait assise à travailler dans un coin éloigné de l’appartement où l’on se tenait. On sut aussi que ces visites ; ne duraient jamais plus d’une heure, et n’avaient ordinairement lieu qu’une fois par semaine. Or, cette manière de se voir, pendant des moments si courts et de si longs intervalles, ne pouvait faire supposer que l’amour entrât pour rien dans le motif qui les réunissait.

Les curieux furent donc en défaut, et ils se virent forcés de renoncer à la découverte du secret de maître Heriot, tandis que mille contes ridicules circulaient parmi les gens ignorants et superstitieux ; nous en avons vu un échantillon par ceux que les espiègles apprentis du digne David Ramsay avaient fait accroire à notre ami Richie Moniplies.

Il y avait une personne au monde qui, croyait-on, aurait pu en dire sur lady Hermione plus qu’aucun habitant de Londres, excepté George Heriot, et cette personne était Marguerite, la fille unique de David Ramsay.

Cette jeune fille avait à peine quinze ans accomplis quand lady Hermione arriva en Angleterre ; elle allait alors très-souvent chez son parrain, qui s’amusait beaucoup de ses saillies enfantines, et prenait plaisir à lui entendre chanter, avec une belle et sau-