Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/231

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

poèmes et de toutes les pièces de théâtre qui étaient alors à la mode. L’étudiant ordonna à un jeune garçon qui le servait d’aller chercher un plat ou deux chez le traiteur voisin. « Il faudra que Votre Seigneurie s’accommode de ce dîner, dit-il, avec un verre de vieux vin de Canaries dont ma grand’mère, que Dieu l’en récompense ! m’a envoyé douze bouteilles, avec la recommandation de n’en faire usage qu’avec du petit-lait clarifié, quand je me sentirais un mal de gorge causé par l’excès du travail. Ma foi ! si Votre Seigneurie y consent, nous nous en servirons pour boire à la santé de la bonne dame, et vous verrez comment nous autres pauvres étudiants faisons ici notre ordinaire. »

La porte extérieure de l’appartement fut fermée au verrou aussitôt que le jeune garçon fut rentré avec le dîner. Le page eut ordre de faire le guet et de n’admettre personne, et Lowestoffe, joignant l’exemple au précepte, pressa vivement son noble convive de partager le repas qu’il lui offrait. Ses manières franches et ouvertes, quoique fort différentes de l’élégante aisance d’un courtisan tel que lord Dalgarno, étaient propres à prévenir favorablement ; et lord Glenvarloch, quoique l’expérience qu’il venait de faire de la perfidie de lord Dalgarno dût lui inspirer de la méfiance pour les protestations, ne put s’empêcher de témoigner sa reconnaissance au jeune étudiant de la manière dont il le recevait, et de l’intérêt qu’il paraissait prendre à sa sûreté. »

« Gardez votre reconnaissance pour de plus grandes obligations, milord, dit l’étudiant. Sans doute je suis très-disposé à être utile à tout gentilhomme qui a des motifs de se plaindre de la fortune ; je suis surtout très-honoré de pouvoir être bon à quelque chose à Votre Seigneurie. Mais, à parler franchement, j’ai aussi une vieille rancune contre votre ennemi lord Dalgarno. — Puis-je demander quelle en est la cause, maître Lowestoffe ? dit lord Glenvarloch. — Ô milord, c’est une chose qui s’est passée il y a environ trois semaines, un soir, après que vous eûtes quitté l’Ordinaire ; au moins, il me semble que vous n’y étiez pas, car Votre Seigneurie se retirait toujours quand on commençait à jouer gros jeu. Je n’ai pas l’intention de vous offenser en disant cela ; mais Votre Seigneurie sait que telle était son habitude. Il s’éleva une contestation entre lord Dalgarno et moi, au sujet d’un certain coup qui eut lieu au jeu de gleek[1]. Lord Dalgarno avait les quatre

  1. Espèce de jeu de cartes.