Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/193

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Glenvarloch accepta donc, c’était une chose inévitable ; et il passa gaiement la journée au sein des plaisirs et parmi les belles. Il fut le chevalier assidu et galant de la sœur de son ami, la belle comtesse de Blackchester, qui visait à la fois au sceptre de la mode, du crédit et de l’esprit. Elle était, à la vérité, beaucoup plus âgée que son frère, ayant probablement achevé son sixième lustre ; mais elle savait habilement suppléer à ce qui pouvait lui manquer en jeunesse par le soin recherché qu’elle prenait de sa toilette. La première au courant de toutes les modes étrangères, elle avait un art tout particulier pour les adapter à son teint et à son genre de figure. Il n’y avait pas une dame à la cour qui sût mieux la manière dont il fallait répondre au monarque, en prenant tour à tour le ton moral, politique, savant et enjoué, suivant l’humeur dominante du souverain. On supposait même qu’elle avait employé très-activement son crédit personnel pour procurer à son mari une charge éminente, faveur que le vieux vicomte goutteux, doué d’un esprit des plus ordinaires, n’aurait jamais obtenue par son seul mérite.

Il fut beaucoup plus facile à cette dame qu’à son frère de réconcilier lord Glenvarloch avec les habitudes d’un monde aussi nouveau pour lui. Dans toutes les sociétés civilisées les femmes distinguées par le rang et la beauté ont une influence toute-puissante sur le ton et les manières, et par suite sur les mœurs de leur siècle. En outre, lady Blackchester avait parmi la cour, ou plus haut encore que la cour, car l’origine n’en était point parfaitement connue, un crédit qui lui créait des amis, et imposait à ceux qui auraient été disposés à se constituer ses adversaires.

Pour un moment, on l’avait supposée étroitement liguée avec la famille Buckingham, que son frère continuait de voir très-intimement ; et quoiqu’il fût survenu entre la comtesse et la duchesse de Buckingham une certaine froideur, par suite de laquelle on ne les voyait plus que rarement ensemble, la comtesse ayant paru depuis lors se renfermer dans son cercle, cependant on se disait tout bas que le crédit de lady Blackchester sur le grand favori n’avait aucunement souffert de sa rupture avec la duchesse son épouse.

Les détails qui nous ont été transmis sur les intrigues privées de la cour à cette époque, et sur les personnes qui en tenaient le fil, ne sont pas suffisants pour nous permettre de prononcer. Nous nous bornerons donc à dire que lady Blackchester possédait