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pour que la nature l’eût jamais destiné à en occuper une plus élevée d’un pouce. Cependant, un des principaux amusements que lord Dalgarno et d’autres jeunes gens de qualité trouvaient dans l’établissement, consistait à traiter M. de Beaujeu avec une grande affectation de cérémonie ; ce qui étant remarqué par le vulgaire et la foule des dupes, ceux-ci, par imitation, lui témoignaient beaucoup de déférence réelle. Cette circonstance augmentait encore la présomption naturelle du Gascon : il lui arrivait souvent de sortir de sa place, et par conséquent il avait la mortification de s’y voir remettre d’une manière assez désagréable.

La maison qu’occupait cet éminent personnage avait été précédemment la résidence d’un grand baron de la cour d’Élisabeth, qui s’était retiré dans ses terres à la mort de cette grande princesse. Au moment où Nigel y fit son entrée, il fut surpris de la grandeur du local et du nombre de convives, qui s’y trouvaient déjà rassemblés. On ne voyait de tous côtés que flotter des panaches, étinceler des éperons, et se déployer le luxe des broderies et des dentelles ; et au premier coup-d’œil, cette réunion justifiait certainement ce qu’en avait dit lord Dalgarno, en la représentant comme entièrement composée de jeunes gens du premier rang. Mais un examen plus attentif ne lui était pas favorable. On pouvait y découvrir plusieurs individus qui n’étaient pas absolument à leur aise sous le costume magnifique qu’ils portaient, et qui, on pouvait naturellement le supposer, n’étaient pas habitués à une si grande parure. Il y en avait d’autres aussi dont la toilette, à la première vue, ne semblait pas fort inférieure à celle du reste de la compagnie, mais aussi laissait découvrir, en la regardant de plus près, quelques-uns de ces petits expédients à l’aide desquels la vanité cherche à déguiser l’indigence.

Nigel n’eut que fort peu de temps pour faire ces observations ; car l’entrée de lord Dalgarno, dont le nom fut répété de bouche en bouche, fit une sensation marquée et occasionna un mouvement soudain dans toute l’assemblée. Les uns s’avancèrent pour le regarder, les autres se reculèrent pour lui faire place. Les hommes de son rang s’empressèrent de lui faire accueil, et ceux d’une classe inférieure s’occupèrent d’examiner ses gestes et son costume, afin de pouvoir les copier à la première occasion, comme offrant le type de la dernière mode et du ton régnant du jour.

Le Genius loci, le chevalier lui-même, ne fut pas le dernier à venir saluer le soutien principal et l’honneur de son établisse-