Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/179

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

se sentait assez fort de sa résolution de ne jamais jouer à des jeux de hasard. Il apaisa donc lord Dalgarno en lui annonçant qu’il était prêt à le suivre ; et le jeune courtisan, reprenant immédiatement sa bonne humeur, recommença la description ampoulée et grotesque de l’établissement de M. de Beaujeu : il ne se tut qu’en arrivant à la porte du temple de l’hospitalité, auquel présidait cet éminent professeur.



CHAPITRE XII.

L’ORDINAIRE.


C’est ici la basse-cour où se réunit tous les jours l’élite des coqs de combat ; c’est ici qu’ils agitent leurs ailes, chantent jusqu’à s’enrouer, et se battent pour un grain d’orge. Ici deux poulets à peine éclos apprennent à dresser la crête, à se servir de leurs ergots, et à chanter comme le coq le plus fier lui-même.
Le jardin aux ours.


L’Ordinaire, expression qui paraît ignoble aujourd’hui, était du temps de Jacques une institution nouvelle, aussi à la mode parmi les jeunes gens de ce siècle que les clubs du premier genre le sont parmi les fashionables du jour. La principale différence qui existe entre ces établissements, c’est que le premier était ouvert à quiconque avait une mise assez élégante et assez d’assurance pour s’y présenter. La compagnie se rassemblait habituellement pour dîner à une heure fixe, et le directeur de la maison faisait les honneurs de la table, et remplissait les fonctions de maître des cérémonies.

M. le chevalier Saint-Priest de Beaujeu (suivant le titre qu’il se donnait) était un Gascon fin et délié autant que maigre et fluet : il se trouvait banni de son pays, à ce qu’il prétendait, à cause d’une affaire d’honneur dans laquelle il avait eu le malheur de tuer son antagoniste, quoique ce fût la meilleure lame de toute la France. Ses prétentions à la noblesse étaient soutenues au moyen d’un chapeau à plumes, d’une longue rapière et d’un habillement complet de taffetas à la dernière mode de la cour de France, costume qui était encore fort bien conservé. Sa personne était chargée de tant de nœuds de rubans qu’elle ressemblait à un mai : on avait calculé qu’il devait y en entrer au moins cinq cents aunes. Malgré cette profusion d’ornements, il y avait des gens qui trouvaient M. le chevalier trop admirablement à sa place