Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/171

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couvertes. Je n’ai qu’à lui dire : Lutin, je voudrais savoir où un tel, où une telle demeure ; et il m’y conduit comme par enchantement. — J’espère qu’il ne vous attend pas dans la rue ? Je vais envoyer mon domestique le chercher. — Ne vous en occupez pas ; il est sans doute en ce moment à jouer au petit palet ou à la fossette avec les derniers polissons du quai, à moins qu’il n’ait renoncé à ses anciennes habitudes. — Et ne craignez-vous pas que ses mœurs ne se corrompent dans une telle compagnie ? — Que la compagnie qu’il fréquente prenne plutôt garde aux siennes, dit Dalgarno froidement ; car il faudrait que ce fût une vraie troupe de démons si Lutin ne leur enseignait pas plus de méchanceté qu’il n’en apprendrait lui-même. Il est, Dieu merci, versé à fond dans la science du mal pour son âge. Je puis m’épargner la peine de m’occuper de ses mœurs, car rien désormais ne les rendra meilleures ou pires. — Et que pouvez-vous dire de sa conduite à ses parents, milord ? — Et où voulez-vous que j’aille les chercher pour leur en rendre compte ? — Il peut être orphelin, mais assurément, pour être page dans la maison de Votre Seigneurie, ses parents doivent être d’un certain rang. — D’un rang aussi élevé que celui auquel le gibet a pu les faire monter, » répondit lord Dalgarno avec la même indifférence. « Ils ont été pendus tous deux, à ce que je crois ; du moins c’est ce que m’ont fait entendre les Égyptiens desquels je l’ai acheté, il y a cinq ans. Je vois que cela vous surprend maintenant ; mais ne vaut-il pas mieux au lieu d’un petit gentilhomme paresseux et fainéant auquel, d’après vos idées de l’autre monde, j’aurais dû servir de pédagogue, veillant moi-même à ce qu’il se lavât les mains et la figure, dît ses prières, apprît son rudiment, ne se servît pas de vilains mots, brossât son chapeau, et ne mît son plus bel habit que le dimanche ; ne vaut-il pas mieux, dis-je, qu’au lieu d’un grand dadais de la sorte, j’aie un petit drôle comme celui que vous allez voir ? »

Il donna un coup de sifflet aigu, et le page dont il parlait s’élança dans la chambre d’une manière presque aussi soudaine que si c’eût été une apparition. À sa taille il ne paraissait pas avoir plus de quinze ans, mais à sa figure on pouvait lui donner deux ou trois années de plus. Il était bien fait et richement vêtu ; son visage, maigre et d’une teinte bronzée, annonçait son origine égyptienne, et ses yeux noirs, étincelants, semblaient pénétrer jusqu’au fond de l’âme tous ceux qu’il regardait.

« Le voici, dit Dalgarno, ne redoutant rien, prêt à exécuter