Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/163

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vous irez vous enfermer dans votre chambre à tapisserie !… De par le ciel, je ne puis résister à cette idée ! »

Il est rare qu’un jeune homme, quelle que soit l’élévation de son esprit, ait des principes assez fermes et assez de force de caractère pour résister au pouvoir du ridicule… Moitié irrité, et, il faut l’avouer aussi, moitié honteux de ses meilleures et de ses plus courageuses résolutions, Nigel n’eut pas le courage de jouer le rôle d’un patriote austère, d’un moraliste rigide, en présence d’un jeune homme qui, par une abondante facilité de langage et l’habitude de la haute société, obtenait sur lui un ascendant momentané en dépit de son jugement et de sa raison. Il pensa même que toute tentative de ce genre demeurerait inutile. Il chercha donc à éluder et à éviter de plus longs débats en avouant franchement que si ce n’était pas par goût qu’il retournait dans son pays, c’était du moins par nécessité. Ses affaires étaient en désordre, et son revenu très-précaire.

« Et qui voyons-nous à la cour dont les affaires soient en ordre et dont le revenu ne soit pas tout au moins très précaire ? dit lord Dalgarno. Tout le monde y est perdant ou gagnant… Ceux qui ont de la fortune y viennent pour s’en débarrasser ; tandis que les jolis garçons qui, comme vous et moi, mon cher Glenvarloch, se trouvent peu favorisés sous ce rapport, ont la plus belle chance du monde de partager les dépouilles des premiers. — Je n’ai aucune ambition de ce genre, répliqua Nigel ; et j’en aurais une semblable, qu’à vous parler franchement, lord Dalgarno, je ne possède pas les moyens de m’y livrer : c’est tout au plus si je puis dire que l’habit que je porte m’appartient… Je le dois, et je ne rougis pas de le dire, à l’amitié de ce digne orfèvre. — Je ne veux plus rire, quelque envie que vous m’en donniez, dit lord Dalgarno ; mais bon Dieu fallait-il donc vous adresser à ce riche orfèvre pour votre habit ? Comment diable ! j’aurais pu vous mener chez un tailleur de confiance qui vous en aurait fourni une demi-douzaine seulement pour l’amour de ce petit mot, milord, que vous placez devant votre nom… Et puis ensuite votre orfèvre, si c’est réellement un brave orfèvre, vous aurait fourni une bourse pleine de beaux nobles d’or à la rose, qui vous aurait permis d’en acheter trois fois autant, ou vous aurait mis en état de faire quelque chose de mieux. — Je n’entends rien à ces manières d’agir, milord, » répondit Nigel, dont le mécontentement surmontait la timidité ; « si je suivais la cour de mon sou-