Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/162

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réserve à un accès de gaieté si franc et si irrésistible que, tout mécontent qu’en fut Nigel, entraîné par la contagion de l’exemple, il ne put s’empêcher de se joindre à des éclats de rire qui lui semblaient non seulement sans motif, mais même impertinents. Il reprit pourtant bientôt son sérieux, et dit d’un ton qui semblait fait pour calmer l’extrême gaieté de lord Dalgarno : « Voilà qui est très-bien, milord ; mais comment dois-je prendre cet accès de belle humeur ? » Lord Dalgarno ne lui répondit que par des éclats de rire redoublés, et il finit par s’attacher au manteau de lord Glenvarloch comme pour s’empêcher de tomber à terre dans les convulsions qui l’agitaient. Nigel resta long-temps partagé entre la honte et le ressentiment de se voir ainsi devenu un objet de ridicule pour sa nouvelle connaissance : le sentiment des obligations qu’il avait au père l’empêchait seul d’exprimer au fils son mécontentement. Enfin, lord Dalgarno revint à lui ; et quoique les larmes lui coulassent encore des yeux, il dit d’une voix entrecoupée : « Je vous demande pardon, mon cher lord Glenvarloch ; je vous demande dix mille pardons. Mais ce tableau de dignité champêtre, accompagné de votre air de surprise et de ressentiment en me voyant rire de ce qui aurait excité la gaieté du dernier chien de cour qui aurait seulement aboyé une fois à la lune dans les cours de White-Hall : tout cela était tel qu’il n’y avait pas moyen d’y résister… Eh quoi, mon cher lord ! vous, jeune et joli garçon, d’une haute naissance, possesseur d’un titre et d’un domaine dont vous portez le nom, reçu du roi à votre début à la cour d’une manière qui ne permet pas de douter du succès que vous y obtiendrez, si vous savez tirer parti de votre faveur… car le roi a déjà déclaré que vous étiez un beau garçon, et que vous aviez fait de bonnes études… vous que toutes les femmes, et surtout les beautés les plus célèbres de la cour, désirent voir, parce que vous arrivez de Leyde, que vous êtes né en Écosse, et que vous avez déjà gagné la cause la plus aventurée… vous, dis-je, avec une tournure de prince, un œil de feu et un esprit aussi vif, vous penseriez à quitter la partie quand vous êtes le maître du jeu, à vous en retourner précipitamment dans votre triste et froid pays du nord pour y épouser… voyons un peu, une grande fille droite comme une perche, aux yeux bleus, au teint blanc, qui vous apportera dix-huit quartiers dans son écusson, quelque chose de semblable à la femme de Loth nouvellement descendue de son piédestal, avec laquelle