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et à l’âge d’environ vingt-deux ans, les circonstances où il se trouvait l’avaient privé de la société des jeunes gens de son âge. À la nouvelle de la mort soudaine de son père, il avait quitté les Pays-Bas pour retourner en Écosse : et, dès son arrivée dans ce pays, il s’était trouvé plongé, de manière à n’entrevoir que peu d’espérance d’en sortir, dans des procès qui menaçaient tous de se terminer par l’aliénation de son patrimoine. Le deuil qu’il portait, plus dans l’intérieur encore qu’au dehors, un sentiment de fierté blessée et d’amertume, causée par des malheurs si inattendus et si peu mérités, l’incertitude de l’issue que pourraient avoir ses affaires, tout s’était réuni pour porter le jeune lord Glenvarloch à mener une vie très-retirée pendant son séjour en Écosse. Le lecteur sait déjà de quelle manière il avait passé son temps à Londres. Mais ce genre de vie triste et solitaire ne convenait ni à son âge ni à son caractère, qui était fait pour les douceurs de la société. Ce fut donc avec une joie sincère qu’il accueillit les avances d’un jeune homme de son âge et de son rang, et lorsqu’il eut échangé avec lord Dalgarno quelques-unes de ces paroles et de ces signes par lesquels les jeunes gens reconnaissent aussi sûrement que par ceux de la franc-maçonnerie le désir mutuel qu’ils ont de s’être agréables, on aurait dit que les deux jeunes lords étaient déjà d’anciennes connaissances.

Au moment où cette liaison tacite s’établissait, un des domestiques de lord Huntinglen parut dans l’allée, amenant un homme en habit de bougran noir. Cet homme suivait son introducteur avec une vitesse qui paraîtra méritoire, si l’on considère que, d’après ses idées de respect et de convenance, il tint son corps courbé presque en parallèle avec l’horizon, depuis le moment où il aperçut la compagnie jusqu’à celui où il arriva devant elle.

« Qui vient ici, maraud ? » s’écria le vieux lord à qui une longue absence de son pays natal n’avait fait perdre ni l’impatience ni la vivacité d’appétit ordinaire aux barons écossais… « et pourquoi diable John Cook, que l’enfer confonde, nous fait-il attendre si long-temps le dîner ? — Je crois que nous devons nous en prendre à nous-mêmes de l’arrivée de cet individu, dit George Heriot : c’est l’écrivain que nous avons envoyé chercher… Levez la tête, mon garçon, et regardez-nous en face, ainsi que doit le faire tout honnête homme, au lieu de nous menacer de votre caboche comme un bélier de ses cornes. »

L’écrivain releva la tête à l’instant, et son action parut celle