Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/150

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mon noble prince, » dit lord Huntinglen, en s’agenouillant pour baiser la main du souverain, « le plus juste et le plus généreux des rois quand vous suivez les mouvements de votre propre cœur. — Oui, oui, » dit le roi qui riait avec bonhomie, tout en relevant son fidèle serviteur, « c’est ce que vous dites tous, quand je fais ce que vous voulez… Mais, tenez, emportez ce mandat, et hâtez-vous de vous éloigner avec le jeune homme… Je suis étonné que Steenie et fanfan Charles ne soient pas déjà venus nous interrompre. »

Lord Huntinglen se hâta de sortir du cabinet, prévoyant une scène dont il ne se souciait pas d’être témoin. En effet, une violente discussion ne manquait point d’avoir lieu, lorsque Jacques avait rassemblé assez de courage pour agir en maître, comme il aimait tant à s’en vanter, et faire une fois sa volonté, en opposition avec celle de son impérieux favori Steenie : tel était le nom qu’il avait donné à Buckingham à cause d’une ressemblance qu’il croyait voir entre la belle figure du duc et celle que les peintres italiens ont prêtée à saint Étienne, le premier martyr. Dans le fait, ce hautain favori, qui avait la bonne fortune extraordinaire d’être aussi bien dans les bonnes grâces de l’héritier présomptif de la couronne que dans celles du monarque régnant, avait beaucoup perdu du respect qu’il montrait à ce dernier, et il était évident pour les courtisans qui avaient quelque pénétration, que Jacques supportait sa domination plutôt par habitude, par timidité, et surtout par la crainte que lui inspirait le caractère fougueux du duc, que par aucun reste de tendresse pour celui dont la grandeur avait été l’ouvrage de ses mains. Pour s’épargner la peine de voir ce qui allait se passer au retour du duc, et pour éviter au roi le surcroît d’humiliation que la présence d’un tel témoin n’aurait pas manqué de lui causer, le comte quitta le cabinet le plus promptement possible, après avoir eu soin toutefois de mettre dans sa poche l’ordre important écrit de la main du roi.

Il ne fut pas plutôt rentré dans la salle d’audience qu’il s’empressa de chercher lord Glenvarloch. Celui-ci s’était retiré dans une embrasure de croisée pour se soustraire aux regards des curieux. Le vieux comte, l’ayant pris par le bras sans lui parler, le fit passer de la salle d’audience dans un salon voisin. Là ils trouvèrent le digne orfèvre qui s’approcha d’eux avec des regards scrutateurs : le vieux lord coupa court à toute question en s’écriant : « Tout va bien… Votre barque est-elle là ? » Heriot ré-