Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/149

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rons au jeune homme ce qui lui est dû jusqu’au dernier sou[1] : il n’aura qu’à le dépenser à notre cour… Ou bien, s’il est si affamé de terres, nous rassasierons son appétit : il en aura en Angleterre qui valent le double, que dis-je ? qui valent dix fois ces maudites montagnes, ces rochers, ces bruyères et ces marais dont il est si amoureux. »

Tout en parlant ainsi, le pauvre roi parcourait en long et en large l’appartement dans un état d’incertitude vraiment pitoyable, et que rendaient encore plus ridicule la manière dont il écartait les jambes et l’habitude peu gracieuse qu’il avait en pareil cas de jouer avec les nœuds de rubans qui attachaient ses hauts de chausses.

Lord Huntinglen l’écouta d’un air calme, et lui répondit : « n’en déplaise à Votre Majesté, voici la réponse que fit Naboth à Achab qui convoitait sa vigne : Que Dieu me préserve de te céder l’héritage de mes pères ! — Eh, eh ! milord, s’écria Jacques, dont le nez et les joues étaient devenus rouges comme du feu, j’espère que vous n’avez pas l’intention de m’apprendre la théologie… Vous avez tort de craindre, milord, que je me refuse à rendre justice à aucun homme ; et puisque Votre Seigneurie ne veut pas m’aider à arranger cette affaire d’une manière plus pacifique, ce qui, dans mon opinion, vaudrait mieux pour le jeune homme, comme je l’ai déjà dit, eh bien ! puisqu’il en faut venir là, de par la mort ! je suis un roi libre, et quand il aura son argent, il pourra dégager sa terre et y faire bâtir une église et un moulin, s’il lui plaît. » En parlant ainsi, il se mit à écrire à la hâte un mandat sur sa trésorerie d’Écosse pour la somme en question, et il ajouta : « Comment fera-t-on pour la payer ? c’est ce que je ne vois pas ; mais je gage qu’il trouvera de l’argent sur ce bon chez les orfèvres : ils en procurent à tout le monde, moi seul excepté… Et maintenant vous voyez, milord de Huntinglen, que je ne suis pas un homme capable de manquer à ma parole, en vous refusant la grâce que je me suis engagé de vous accorder : je ne suis ni un Achab qui convoite la vigne de Naboth, ni un homme de cire, que les favoris et les conseillers peuvent mener par le nez comme il leur plaît… Vous conviendrez, j’espère, à présent, que je ne suis rien de tout cela. — Vous êtes ce que vous fûtes toujours,

  1. Le texte emploie les expressions plack et bawbie, noms de deux petites pièces de monnaies écossaises qui ne sont plus en usage, et qui chez nous auraient pour équivalents liard et denier. a. m.