Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/144

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« Imo, Rex augustissime ; biennium ferè apud Lugdunenses moratus sum[1]. »

Jacques continua :

« Biennium dicis ? Benè, benè, optimè factum est. — Non uno die quod dicunt ; intelligisti, domine Glenvarlochiensis[2]. Ah ! ah ! »

Nigel répondit par une profonde inclination, et le roi se retournant vers ceux qui étaient derrière lui, dit :

« Adolescens quidem ingenui vultûs ingenuique pudoris[3]. » Puis reprenant ses savantes questions : « Et quid hodie Lugdunenses loquuntur ?… Vossius vester nihilne novi scripsit ?… Nihil certe, quod doleo, typis recenter edidit[4]. — Valet quidem Vossius, rex benevole, répondit Nigel ; ast senex veneratissimus annum agit, ni fallor, septuagesimum[5]. — Virum, mehercle, vix tam grand œvum crediderim[6], répondit le monarque. Et Vorstius iste ? Arminii improbi successor œque ac sectator, herosne adhuc, ut cum Homero loquar, ζώος ἒστι καί ἐπ´ὶ χθονὶ δέρκων[7] ? »

Par bonheur Nigel se rappela que Vorstius, le théologien cité dans les questions de Sa Majesté sur l’état de la littérature en Hollande, avait été engagé avec Jacques dans une querelle de controverse à laquelle le roi avait pris un intérêt si profond qu’il avait fini par faire entendre aux Provinces-Unies, dans sa correspondance officielle, qu’elles feraient bien d’avoir recours au bras séculier pour arrêter les progrès de l’hérésie, en adoptant des mesures violentes contre la personne du professeur, demande que les principes de tolérance universelle de leurs Illustres Puissances les portèrent à éluder, quoique avec quelque peine. Étant au fait de tout cela, lord Glenvarloch, bien qu’il ne fut courtisan que depuis peu de minutes, eut assez d’adresse pour répliquer :

« Vivum quidem, haud diu est, hominem videbam ; vivere autem quis dicat qui sub fulminibus eloquentiœ tuœ, rex magne, jamdudum pronus jacet et prostratus[8]. »

  1. J’en arrive, ô roi très-auguste, et j’y ai demeuré deux ans. a. m.
  2. Deux ans, dites-vous ? Bien, bien, très-bien. Ce n’est pas un jour, comme on dit ; vous m’avez compris, seigneur Glenvarloch. a. m.
  3. C’est un jeune homme qui a l’air modeste et réservé. a. m.
  4. Et que dit-on à Leyde ? Votre Vossius n’a-t-il rien écrit de nouveau ? Il n’a du moins, et je le regrette, rien livré à l’impression. a. m.
  5. Vossius se porte bien, digne roi, répondit Nigel ; mais le vieillard, si je ne me trompe, est dans sa soixante-dixième année. a. m.
  6. Ma foi, je ne le savais pas si âgé. a. m.
  7. Et ce Vorstius, le successeur et le sectateur du fourbe Arminius, ce héros, pour me servir des expressions d’Homère, est-il encore vivant et habitant de la terre ? a. m.
  8. Il n’y a pas bien long-temps que je l’ai aperçu vivant, si toutefois on peut appeler vivant un homme que les foudres de ton éloquence, ô grand roi, ont déjà terrassé et anéanti. a. m.