Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/137

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ce qu’il lui avait avancé. Nigel éprouva toute la reconnaissance que méritait la généreuse amitié du digne bourgeois, et les expressions ne lui manquèrent pas pour la lui témoigner.

Cependant, comme le jeune et noble lord s’embarquait pour se rendre devant son souverain, sous la protection d’un homme dont le titre le plus distingué était celui de membre éminent de la corporation des orfèvres, il ne put s’empêcher de sentir quelque surprise, pour ne pas dire quelque confusion, en songeant à la situation où il se trouvait. Richard Moniplies, en se rendant au bateau pour y prendre sa place, ne put s’empêcher non plus de murmurer que les temps étaient bien changés, et qu’il y avait de la différence entre maître Heriot et son père ; mais aussi c’était bien autre chose de travailler l’or et l’argent, ou de battre du cuivre et de l’étain.

À l’aide des rames de quatre vigoureux bateliers, ils glissaient sur la Tamise, qui était alors la grande route de Londres à Westminster, car peu de gens se hasardaient à parcourir à cheval les rues étroites et populeuses de la ville, et les voitures étaient alors un luxe réservé à la plus haute noblesse ; aucun bourgeois, quel que fût son rang, n’y aurait osé aspirer. Le complaisant conducteur de Nigel voulut lui faire remarquer la beauté des rives de la Tamise, principalement du côté du nord, où les jardins des splendides hôtels descendaient jusqu’au bord de l’eau, mais ce fut en vain. L’esprit du jeune lord était rempli de pensées qui l’agitaient péniblement sur la manière dont il allait être reçu de ce monarque pour lequel sa famille s’était presque entièrement ruinée ; et l’anxiété secrète ordinaire à ceux qui se trouvent en semblable position lui faisait supposer des questions qui lui étaient adressées par le roi ; et il se fatiguait l’imagination pour y trouver des réponses. Son compagnon vit que sa tête travaillait, et craignit de l’importuner par une plus longue conversation ; de sorte que, lorsqu’il lui eut expliqué brièvement le cérémonial observé à la cour les jours de présentation, il garda le silence pendant tout le reste du voyage.

Ils débarquèrent au pied de l’escalier de White-Hall, et entrèrent dans le palais après avoir décliné leurs noms, les gardes ayant rendu à lord Glenvarloch les honneurs dus à son rang. Le cœur du jeune homme battit avec violence quand il se trouva dans l’enceinte des appartements du roi. L’éducation qu’il avait reçue en pays étranger, dirigée d’une manière assez rétrécie, ne lui