Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/118

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ce jeune gaillard de Jenkin (c’est ainsi qu’on nomme le garçon apprenti), mais c’était par pure reconnaissance pour le service qu’il m’a rendu. J’avoue, de plus, que je leur ai chanté la bonne vieille chanson d’Elsie Marley, qu’ils n’avaient jamais entendu chanter de leur vie. »

Et tout en cheminant il se mit à chanter


Connaissez vous la fière Elsie ?
C’est la femme qui vend du blé :
Son orgueil est si redoublé
Qu’elle ne nourrit plus sa truie.


Au milieu de sa carrière le chanteur fut interrompu par son maître qui, le saisissant d’une main ferme, le menaça de le faire mourir sous le bâton, s’il amenait sur lui les hommes du guet par cette mélodie intempestive.

« Je vous demande pardon, milord, humblement pardon, seulement en pensant à ce Jin Yin, comme on l’appelle, j’ai de la peine à m’empêcher de fredonner… Oh ! connaissez-vous ? Mais encore une fois, je demande pardon à Votre Honneur, et je serai muet si vous me l’ordonnez. — Non, maraud, dit Nigel, parlez, car je vois bien que vous en diriez plus sous prétexte de vous taire que si je vous donne toute licence. Mais qu’est-ce ? qu’avez-vous à dire contre maître Heriot ? »

Peut-être, en lui accordant cette liberté, le jeune lord espérait-il que son domestique entamerait le sujet de la dame qui avait paru à la prière d’une manière si mystérieuse. Peut-être désirait-il seulement que Moniplies donnât cours, en parlant d’un ton de voix calme et posé, à cette surabondance d’esprits animaux qui menaçait de s’exhaler en chansons bruyantes. Le fait est qu’il permit à son domestique de raconter son histoire à sa manière.

« Ainsi donc, » dit l’orateur, profitant du privilège qui lui était laissé, « je voudrais bien savoir quelle espèce d’homme est ce maître Heriot… Il a fourni à Votre Seigneurie des monceaux d’or, à ce que j’entends, et si cela est, il a eu son but là-dedans, comme c’est la mode dans ce monde. Or, si Votre Seigneurie avait ses bonnes terres à sa disposition, il n’y a pas de doute que cet individu, avec d’autres du même métier, qui s’appellent orfèvres, moi je dis usuriers, ne fussent bien aises d’échanger tant de livres de poussière africaine… par ce mot j’entends dire de l’or… contre tant de centaines de beaux et bons acres de terre en Écosse. — Mais vous savez que je n’ai pas de terres, interrompit