Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/103

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mier coup de midi, et l’horloge n’avait pas encore fini de sonner qu’il était assis avec la compagnie. Ceci lui donna une excellente occasion de faire quelques remarques satiriques sur tous ceux qui se faisaient attendre, sans parler de quelques traits qu’il décocha en passant sur les personnes qui avaient porté l’empressement au point d’arriver plus tôt.

N’ayant presque d’autre bien que son titre, sir Mungo avait été attaché à la cour en qualité d’enfant de fouet[1] (suivant le nom donné alors à cette charge) auprès de Jacques VI, et il avait été instruit dans toutes les sciences polies, en même temps que Sa Majesté, par George Buchanan, le célèbre précepteur de ce prince. La charge d’enfant de fouet condamnait le petit malheureux qui l’occupait, à subir tous les châtiments corporels que l’oint du Seigneur, dont naturellement la personne devait être sacrée, venait à encourir en grammaire et en prosodie durant le cours de ses études. À la vérité, sous la discipline sévère de George Buchanan, qui n’approuvait pas ce genre de punition par représentant, Jacques portait la peine de ses propres fautes, et Mungo Malagrowther jouissait d’une sinécure. Mais l’autre pédagogue de Jacques, maître Patrick Young, procédait à la besogne avec plus de cérémonie, et faisait trembler le jeune roi jusqu’au fond de l’âme par la manière dont il traitait l’enfant de fouet quand Sa Majesté n’avait pas bien fait sa leçon. Il faut dire, à la louange de sir Mungo, qu’il y avait en lui certains points par lesquels il convenait parfaitement à sa place officielle. Il avait même, dès l’enfance, un assemblage de traits irréguliers et grotesques, qui, lorsqu’ils étaient défigurés par la crainte, la douleur, ou la colère, le faisaient ressembler à une des figures fantastiques qu’on trouve dans une corniche gothique. Sa voix aussi était grêle et criarde, de telle sorte que, lorsqu’il subissait les corrections libérales que lui infligeait maître Patrick Young, l’expression fantastique de sa physionomie et les cris qu’il poussait et qui n’avaient rien de la voix humaine, étaient propres à produire tout l’effet qu’on en pouvait attendre sur un monarque qui méritait le fouet, et qui voyait un être innocent recevoir le châtiment de sa faute.

Sir Mungo Malagrowther, car il obtint le titre de chevalier, eut donc de bonne heure un pied à la cour, sur lequel tout autre se serait maintenu, et dont tout autre aurait su profiter.

  1. Whippin boy, dit le texte. a. m.