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entreprise est la mort ; arrêtez, et prenez une route plus sûre à gauche. » Mais Mordaunt était déjà complètement engagé dans sa périlleuse tentative.

« Pourquoi l’en empêcherais-je ? » reprit Mertoun, réprimant son inquiétude avec la triste et froide philosophie dont il avait adopté les principes. « S’il mourait à présent, enflammé de nobles et généreux sentiments, dévoué à la cause de l’humanité, heureux dans l’exercice d’une activité dont il a la conscience, et de la force de la jeunesse… s’il mourait, n’échapperait-il pas à la misanthropie, aux remords, à la vieillesse, à la connaissance intime du déclin qui mine le corps et l’esprit ? Je ne veux pas voir ce malheur… non… je ne saurais voir cette jeune clarté s’éteindre subitement. »

Il se détourna donc du précipice, et parcourant à la hâte vers la gauche plus d’un quart de mille, il se dirigea vers une riva, ou fente dans le roc, formant un sentier appelé chemin d’Érick : ce chemin n’était sans doute ni sûr ni commode, mais c’était le seul que les habitants de Jarlshof prissent pour parvenir au pied du précipice.

Mais bien avant que Mertoun fût arrivé à la tête de ce chemin, son aventureux et brave fils avait déjà accompli la plus désespérée des entreprises. Vainement il avait été détourné de la droite ligne en rencontrant des difficultés qu’il n’avait pas aperçues d’en haut… sa route en devint seulement plus sinueuse ; mais rien ne put l’arrêter. Plus d’une fois de larges fragments cédaient sous lui, et tombaient avec le fracas du tonnerre dans l’Océan furieux ; une ou deux fois même de pareils blocs roulèrent après lui, et semblèrent devoir l’entraîner avec eux, malgré tout son courage. Mais un cœur sourd à la crainte, un œil vif, une main sûre et un pied ferme l’amenèrent au but qu’il voulait atteindre. Au bout de sept minutes, il était au bas du rocher du faîte duquel il avait achevé sa périlleuse descente.

L’endroit où il se trouvait alors était une petite éminence de pierre, de sable et de gravier qui s’avançait un peu dans la mer ; à sa droite les vagues battaient les flancs même du rocher, et à sa gauche elles n’en étaient séparées que par une petite partie du rivage qui allait rejoindre le chemin d’Érick, par où Mertoun avait conseillé à son fils de descendre.

Lorsque le navire fut brisé et mis en pièces, tout ce qu’après le premier choc on avait vu flotter sur l’Océan avait été englouti ;