Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/84

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Mordaunt tranquillement ; « c’est mon devoir, et j’espère ne pas y avoir manqué jusqu’à présent. — Oh ! oui, votre devoir ! » répéta Mertoun sur le même ton… « votre devoir ! C’est aussi le devoir du chien de suivre le valet qui le nourrit. — Et ne le suit-il pas, monsieur ? — Oui, » répondit le père en détournant la tête ; « mais il ne cajole que ceux qui le caressent. — J’espère, monsieur, n’avoir jamais manqué d’attentions ? — N’en parlons plus… n’en parlons plus, » dit Mertoun brusquement. « Nous avons assez fait l’un pour l’autre… il faut que nous nous quittions avant peu… que ce motif nous console, si notre séparation a besoin de consolation. — Je me tiendrai prêt à obéir à tous vos désirs, » répliqua Mordaunt, peu fâché d’une perspective qui lui promettait l’occasion de faire plus ample connaissance avec le monde. « Je présume que votre plaisir sera que je commence mes voyages par une pêche à la baleine. — Une pêche à la baleine ! s’écria Mertoun ; belle manière en effet de voir le monde ! mais vous ne pouvez parler que de ce que vous avez appris. En voici assez pour le moment. Dites-moi où vous avez trouvé un asile pendant la tempête d’hier. — À Stourburgh, chez le cultivateur d’Écosse. — Ce pédant, ce capricieux, ce visionnaire, cet homme à projets… Et qui y avez-vous vu ? — Sa sœur et la vieille Norna du Fitful-Head, — Quoi ! la propriétaire de charmes tout-puissants ! » répliqua Mertoun avec un ris moqueur… « elle qui peut changer le vent en mettant son bonnet d’un côté, comme le roi Érick faisait en tournant son chapeau ! La dame fait de longs voyages : comment se porte-t-elle ? s’enrichit-elle à envoyer des vents favorables aux marins qui sont retenus au port ? — Je n’en sais réellement rien, monsieur, » répondit Mordaunt, que certains souvenirs empêchaient d’entrer librement dans l’humeur de son père.

« Vous trouvez le sujet trop sérieux pour en faire un texte de plaisanterie, ou peut-être trouvez-vous sa marchandise trop légère pour vous en inquiéter, » continua Mertoun sur le même ton de sarcasme, et c’était comme cela seulement qu’il approchait le plus de la gaîté ; « mais faites-y bien attention : chaque chose dans l’univers se vend et s’achète, et pourquoi pas les vents aussi, s’ils trouvent des acheteurs ? La terre rapporte depuis sa surface extrême jusqu’à ses mines les plus profondément enfouies ; le feu et les moyens de l’entretenir se vendent et s’achètent ; les misérables qui balayent l’Océan furieux avec leurs filets payent rançon pour le privilège de s’y noyer. À quel titre l’air serait-il exempt du com-