Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/82

Cette page a été validée par deux contributeurs.

grave importance que la conversation qu’ils venaient d’avoir ensemble, et qu’il n’avait rien à ajouter aux réponses explicatives qu’il avait déjà faites. Il se couvrit le front de sa main, et resta long-temps les yeux fixés sur Mordaunt, tandis que celui-ci ne songeait qu’à son repas du matin. Il n’y avait ni contrainte ni rien dans ses mouvements qui montrât qu’il s’aperçût qu’il était l’objet d’une si profonde méditation ; tout chez lui était franc, naturel et ouvert.

« Il a le cœur libre, murmurait Mertoun en lui-même… Si jeune, si aimable et si plein d’imagination, si beau et si attrayant de corps et de figure, c’est étrange qu’à son âge, et dans sa position, il ait pu éviter les filets qui enlacent tout le monde ! »

Quand le déjeuner fut fini, M. Mertoun père, au lieu de proposer à son fils, qui attendait ses ordres, de travailler, comme à l’ordinaire, à telle ou telle partie de ses études, prit son chapeau et sa canne, et pria Mordaunt de l’accompagner jusqu’au cap de Sumburgh, pour contempler l’Océan agité comme il devait encore l’être par la tempête du jour précédent. Mordaunt était à un âge où les jeunes gens sont toujours disposés à quitter des travaux sédentaires pour des exercices actifs ; il se leva avec allégresse pour se rendre à l’invitation de son père, et au bout de quelques minutes ils gravissaient ensemble la montagne qui, s’élevant du côté de la terre par une pente longue, rapide et couverte de gazon, descend soudain vers la mer, à partir du sommet, par un précipice roide et effrayant.

La journée était délicieuse ; il y avait juste assez d’agitation dans l’air pour balayer les petits nuages laineux qui étaient étendus sur l’horizon, et pour répandre sur le paysage, en les chassant de temps à autre sur le soleil, cette variété de lumière et d’ombre qui donne souvent à une scène immense et nue une espèce de charme qui rivalise avec les divers attraits d’un pays cultivé et planté. Mille teintes passagères de jour et d’ombre se jouaient sur une vaste étendue de marais, de rochers et d’îlots dont le cercle, à mesure qu’ils montaient de plus haut en plus haut, devenait de plus en plus large autour d’eux.

Mertoun s’arrêtait souvent pour contempler la scène qui l’entourait, et d’abord son fils supposa qu’il ne faisait halte que pour en savourer les beautés ; mais quand ils eurent gravi plus haut encore, il remarqua que son père respirait avec peine, que sa démarche était moins ferme et plus difficile, et acquit la certitude, avec une émotion de tristesse, que les forces de son père étaient épuisées