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« Laquelle trouvez-vous la plus jolie ? — Moi, mon père, » répliqua le fils avec étonnement mais sans embarras… « je ne suis pas un bon juge… je n’ai jamais examiné laquelle était absolument la plus jolie. Toutes deux sont de charmantes jeunes femmes. — Vous éludez ma question, Mordaunt ; peut-être ai-je quelque raison toute particulière pour souhaiter de bien connaître votre goût à ce sujet. Mon habitude n’est pas de dépenser des mots en pure perte. Je vous le demande une seconde fois, quelle est celle des filles de Magnus Troil qui vous semble la plus jolie ? — Vraiment, mon père, vous plaisantez sûrement en m’adressant une pareille question. — Jeune homme, répliqua Mertoun, avec des yeux qui commençaient à rouler et à étinceler d’impatience, « je ne plaisante jamais. Je désire une réponse à ma question. — Eh bien ! sur ma parole, monsieur, il n’est pas en mon pouvoir de décider entre les deux sœurs… Toutes deux sont charmantes, mais ne se ressemblent nullement. Minna a les cheveux noirs, et est plus grave que sa sœur… plus sérieuse, mais nullement sombre ni triste. — Ah ! vous avez gravement discuté ; et cette Minna, je suppose, vous plaît davantage ? — Non, monsieur : réellement, je ne puis lui donner la préférence sur sa sœur Brenda, qui est aussi gaie qu’un agneau dans une matinée de printemps… moins grande que sa sœur, mais si bien faite, si bonne danseuse… — Qu’elle est plus propre à amuser le jeune homme dont la demeure est triste, et le père taciturne, » interrompit Mertoun.

Rien dans la conduite de son père n’avait jamais tant surpris Mordaunt que l’obstination avec laquelle il semblait poursuivre un sujet d’une nature aussi étrangère au cours ordinaire de ses pensées et à ses habitudes de conversation. Il se contenta de répondre encore une fois que les deux jeunes femmes méritaient une grande admiration, mais qu’il n’avait jamais pensé à elles avec le désir de mettre l’une au dessous de sa sœur… que d’autres décideraient probablement entre elles, suivant qu’ils se trouveraient aimer davantage un caractère grave ou gai, un teint pâle ou animé ; mais qu’il ne pouvait voir aucune excellente qualité dans l’une, qui ne fût balancée par un attrait aussi aimable dans l’autre.

Il est possible que le calme même avec lequel Mordaunt donnait ces explications n’eût pas contenté son père ; mais Swertha, en ce moment, entra avec le déjeuner, et le jeune homme, bien qu’il eût soupé fort tard, entama les vivres avec un air qui convainquit Mertoun que son fils regardait cette occupation comme d’une plus