Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/72

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qu’on l’appelle parfois le Chant de la Tempête. Nous n’en pouvons donner qu’une imitation libre, car il est impossible de rendre littéralement un grand nombre de tournures elliptiques et d’expressions métaphoriques propres à l’ancienne poésie du Nord :

I[1].
Aigle farouche des contrées lointaines du nord-ouest,
Toi qui portes la foudre dans tes serres,
Toi dont les ailes en se déployant émeuvent l’Océan jusqu’à le rendre insensé,
Toi le destructeur de troupeaux, toi le briseur de navires,
Toi le renverseur de tours !
Parmi les cris de la rage,
Parmi le bruissement de ton vol rapide,
Quoique ton cri soit terrible comme le cri d’une nation qui succombe,
Quoique le bruissement de ton vol soit pareil au mugissement des vagues,
Entends néanmoins, dans ta rage et dans ta vitesse,
Entends la voix de la Reim-Kennar[2].
II.
Tu as rencontré les pins de Drontheim ;
Et leurs têtes d’un vert sombre gisent auprès de leurs troncs déracinés.
Tu as rencontré le chevalier de l’Océan,
Le vaste et solide navire du corsaire intrépide ;
Et il a prosterné devant toi le pavillon
Qu’il n’aurait pas baissé pour une flotte royale.
Tu as rencontré la tour qui élève son front parmi les nuages,
La tour massive et crénelée des Jarls des anciens jours ;
Et la clef de voûte de son donjon
Est maintenant couchée sur l’âtre hospitalier,
Mais il faut bien que tu t’arrêtes, tyran orgueilleux des nuages,
Quand tu entends la voix de la Reim-Kennar.
III.
Il est des vers capables d’arrêter le cerf dans la forêt,
Même quand le hunier moucheté de noir a découvert sa trace.
Il est des vers capables de contraindre l’épervier sauvage à suspendre son vol,
Comme un faucon portant le chaperon et la laisse,
Et habitué au sifflet aigu du chasseur.
Et toi qui te ris des clameurs du matelot submergé,
Et du fracas de la forêt en débris,
Et des gémissemens de la foule écrasée
Dans le temple qui s’écroule à l’heure de la prière,
  1. Walter Scott a traduit le chant norwégien, non point en vers, mais en donnant pour chaque vers norse une ligne de prose anglaise. Le traducteur français ne pouvait que reproduire scrupuleusement la forme adoptée par Walter Scott.
  2. Celle qui connaît les paroles, les rimes magiques.