Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/56

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et puis les mugissements des montagnes et le retentissement prolongé sur les côtes… Mais où sont les bois, Baby ? dis-moi où nous trouverons le nemorum murmur, sœur Baby, dans notre nouvelle patrie ! — D’où vous vient cette folle idée ? » répliqua Baby en avançant tout-à-coup sa tête hors d’un recoin sombre de la cuisine, où elle était occupée de ces soins du ménage qui n’ont point de nom.

Son frère, qui lui avait adressé la parole plutôt par habitude que par intention, ne vit pas plutôt ce nez rouge et effilé, ces yeux gris et vifs, et les autres traits analogues de son visage, ombragés par les mèches de sa coiffure antique qui pendillaient des deux côtés de sa figure irritée, qu’il fut aisé de comprendre que la question ne plaisait pas à sa sœur ; il essuya même un nouvel orage avant de pouvoir reprendre ce sujet.

« Je vous demande, monsieur Yellowley, « dit la sœur Baby en s’avançant au milieu de la chambre, « pourquoi vous criez ainsi après moi, et quand je suis à faire mon ménage ? — Ma foi, pour rien du tout, Baby, répliqua Triplolème, sinon que je me disais à moi-même que nous avions ici la mer, le vent et la pluie ; mais où sont les bois ? où sont les bois ? Baby, répondez-moi à cela. — Les bois ! s’écria Baby… Si je ne faisais pas attention au bois plus que vous, frère, il n’y aurait bientôt pas dans la maison plus de bois qu’il n’y en a sur la perruque qui vous charge les épaules, Triptolème. Si vous voulez parler du bois du vaisseau échoué que les garçons ont apporté hier, il m’en a fallu six onces pour cuire votre parritch[1] ce matin, quoiqu’il me semble qu’un homme rangé aurait dû prendre du drammock[2], s’il avait envie de déjeuner, plutôt que gaspiller du bois et de la nourriture dans une même matinée. — C’est-à-dire, Baby, » répliqua Triptolème qui était assez plaisant à sa manière, « que quand nous avons du feu, nous ne devons pas avoir à manger, et que quand nous avons à manger, il ne faut point faire de feu, ces dons du ciel étant trop précieux pour en jouir le même jour. Il est heureux que vous n’ayez pas envie de nous faire crever de faim et mourir de froid, unico contextu. Mais pour dire la vérité, je ne me contenterai jamais de gruau délayé dans de l’eau froide. Appelez le drammock ou crowdy[3] ou comme il vous plaira, il faut que mes vivres passent par l’eau et le feu. — Nou-

  1. Espèce de potage écossais.
  2. Mélange de farine, de gruau et d’eau fraîche. a. m.
  3. Farine délayée dans du lait.