Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/442

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suis fait connaître à vous que pour vous montrer mon triomphe sur vous… c’est la seule vengeance que la puissante Norna se permet de tirer des maux qu’a soufferts Ulla Troil. — L’avez-vous réellement sauvé… sauvé de cette bande de meurtriers ?… Parlez !… dites la vérité !… je croirai tout… tout ce que vous jugerez convenable de me faire croire !… Prouvez-moi seulement qu’il a échappé, qu’il est sain et sauf. — Il a échappé, il est sain et sauf, grâce à moi. Sain et sauf, et certain d’une alliance honorable et heureuse, oui, grand incrédule ! oui, homme sage, si fier de votre propre opinion !… C’est Norna qui a tout fait ! Je vous ai reconnu il y a bien des années ; mais je n’ai pas voulu me faire connaître à vous avant d’avoir la douce certitude que mon fils avait échappé aux malheurs qui le menaçaient. Tout se combinait contre lui, les planètes prophétisaient la mort au sein des eaux… les astres se tachaient de sang.. mais mon habileté fut supérieure à tout… J’ai inventé… j’ai combiné… j’ai travaillé… j’ai tant fait que tout désastre a disparu… et quel infidèle sur la terre, ou quel démon entêté dans les entrailles de l’enfer niera désormais ma puissance ? »

L’enthousiasme frénétique qui lui dictait ces paroles ressemblait si bien à de la folie que Mertoun répondit : « Si vos prétentions étaient moins orgueilleuses et vos discours plus sensés, je serais plus certain de la sûreté de mon fils. — Vous doutez encore, vain sceptique ! Eh bien ! sachez que non seulement notre fils est en sûreté, mais qu’aussi j’aurai ma vengeance sans l’avoir cherchée… je serai vengée de l’agent redoutable des sombres influences par qui mes projets furent si souvent traversés, et la vie même de mon enfant mise en péril !… Oui, apprenez comme garantie de la vérité de mes paroles que Cleveland… le pirate Cleveland entre à cette heure même dans Kirkwall comme prisonnier et qu’il expiera bientôt par sa vie le crime d’avoir versé un sang puisé dans les veines de Norna. — Qui dites-vous prisonnier ? » s’écria Mertoun d’une voix de tonnerre. « Femme ! qui va, dites-vous, expier ses crimes par sa vie ? — Cleveland… le pirate Cleveland ! et c’est moi, dont il a méprisé les conseils, qui ai permis à son destin de l’atteindre. — Ô la plus misérable des femmes ! » dit Mertoun en grinçant des dents… « tu as tué ton fils aussi bien que ton père ! — Mon fils !… Quel fils ?… Que voulez-vous dire ?… Mordaunt est votre fils… votre fils unique, s’écria Norna… Ne l’est-il pas ?… Parlez… parlez… ne l’est-il pas ? — Il est vrai que Mordaunt est mon fils ; les lois du moins lui permettent de porter ce nom… Mais, ô malheu-