Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/438

Cette page a été validée par deux contributeurs.

et le sablier ! Au moins ils n’ont pas perdu tout courage. — C’est pour nous que le sablier va finir cette fois, Jack… notre sable s’écoule vite… Feu ! feu encore, mes vaillants camarades ! la mer profonde et le ciel azuré, plutôt qu’une corde à la grande vergue. »

Il y eut un moment de silence inquiet, le sloop, quoique vivement pressé, continuait encore à tirer en s’enfuyant, et la frégate le poursuivait en lui rendant à peine ses bordées. Enfin, les deux bâtiments s’approchèrent de façon à faire voir que le vaisseau de guerre avait dessein d’aborder le sloop, et non de le couler à fond, probablement pour s’emparer du butin qui pouvait se trouver sur le navire pirate.

« Allons, Goffe… allons, contre-maître ! » s’écria Cleveland dans un accès d’impatience, comme s’ils eussent pu entendre ses ordres… « à vos postes, à la manœuvre !… lâchez-lui une bordée, maintenant que vous êtes sous son avant, puis, virant de bord, filez comme une oie sauvage… Les voiles s’affaissent et le gouvernail est de côté… Ah !… la mer engloutisse ces marins d’eau douce !… ils n’ont pas donné vent devant, et la frégate va les aborder ! »

En effet, les différentes manœuvres qu’avaient occasionné cette lutte avaient tellement rapproché les deux vaisseaux, que Cleveland, avec sa lunette, put apercevoir l’équipage du navire de guerre, qui était considérable, monter à l’abordage par les vergues et le beaupré, avec les sabres nus qui luisaient au soleil ; mais en ce moment critique, les deux bâtiments furent enveloppés d’un nuage de fumée noire et épaisse, qui s’éleva tout-à-coup à bord du pirate capturé.

« Exeunt omnes[1] ! s’écria Bunce les mains jointes.

« Adieu, Favorite de la Fortune ! adieu, vaisseau et équipage ! » dit en même temps Cleveland.

Mais la fumée, se dissipant aussitôt, laissa voir que le dommage n’avait été que partiel, et que, faute d’une quantité de poudre suffisante, les pirates n’avaient pas réussi dans la tentative désespérée de faire sauter leur vaisseau avec l’Alcyon.

Peu après la fin de l’action, le capitaine Weatherport de l’Alcyon envoya un officier et un détachement de matelots au château de Stennis, pour demander qu’on leur livrât les pirates prisonniers, et surtout Cleveland et Bunce, qui étaient, l’un capitaine, l’autre lieutenant de la bande.

  1. Ils sortent tous, formule encore employée dans le théâtre anglais.