Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/425

Cette page a été validée par deux contributeurs.

pas, puisque nous emporterons son joujou avec lui, et, s’il fait mine de se fâcher, ma foi, nous lèverons l’ancre sans son ordre, nous lui donnerons le temps de revenir à la raison, et il connaîtra mieux ses amis une autre fois. — Ce projet est assez séduisant, monsieur Derrick, dit Hawkins. — Jack Bunce a toujours raison, dit Fletcher ; quoi qu’il en soit, le capitaine tuera quelques uns de nous, c’est une chose certaine. — Restez bouche close, Dick ! répliqua Bunce. Qui diable s’inquiète que vous soyez tué d’un coup de pistolet ou pendu ? — Ma foi ! c’est à peu près la même chose, murmura Dick ; quoi qu’il en soit… — Silence ! vous dis-je, cria son inexorable patron, et entendez-moi jusqu’au bout… Nous le prendrons à l’improviste, de sorte qu’il ne pourra tirer ni son sabre ni ses pistolets ; et moi-même, attendu l’attachement que je lui porte, je serai le premier à l’étendre sur le dos. Il y a une espèce de jolie petite pinasse qui suit toujours le bâtiment que chasse notre capitaine… si l’occasion s’en présente, je la confisquerai pour mon compte. — Oui, oui, dit Derrick, il n’y a que vous pour savoir si bien servir vos intérêts. — En vérité non, répliqua Bunce ; seulement je fais mes petites affaires quand l’occasion s’en présente, ou bien je combine un beau projet à force de génie… Personne d’entre vous n’aurait formé un projet comme celui que je viens de vous communiquer. Nous aurons le capitaine avec nous, bras, tête et cœur, outre une scène digne de terminer une comédie. Ainsi je vais à terre pour convenir du rendez-vous, et vous, faites part de notre projet à ceux de nos camarades qui ne sont pas ivres, et à ceux à qui on peut se fier. »

Bunce partit donc avec son ami Fletcher, et les deux pirates vétérans restaient à se regarder l’un l’autre en silence quand le contre-maître parla enfin. « Je veux être damné, Derrick, si j’aime ces deux jeunes drôles avec toutes leurs mines ; ils ne sont pas de la vraie race, ils ne ressemblent pas plus au corsaire que j’ai connu jadis, que ce sloop ne ressemble à un vaisseau de ligne. Dis donc, ce vieux Sharpe qui lisait les prières à l’équipage de son vaisseau chaque dimanche, qu’aurait-il dit s’il avait entendu proposer d’amener deux fillettes à bord ? — Et qu’aurait donc dit le vieux Barbe noire, répliqua son compagnon, s’ils avaient voulu les garder pour eux ? Ils mentent qu’on les jette hors du vaisseau pour leur impudence, et qu’on les attache dos à dos pour leur faire prendre un bain, et mieux vaut plus tôt que plus tard. — Oui, mais alors qui commanderait le vaisseau ? dit Hawkins. — N’avons-nous donc pas le vieux