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vori, dansa, jura, cria et sauta de joie, lorsqu’il le revit libre encore une fois. « Nous avons déjà commencé, dit-il, à avitailler le sloop, et nous aurions fait davantage sans ce maudit ivrogne de Goffe, qui ne songe qu’à épuiser nos liquides. »

L’équipage de la chaloupe était animé du même enthousiasme, et rama si vite, que, malgré la marée contraire et le calme parfait du vent, Cleveland se retrouva de nouveau sur le tillac du vaisseau qu’il avait le malheur de commander.

Le premier acte d’autorité du capitaine fut de faire savoir à Magnus qu’il était libre de retourner sur l’heure à terre ; que lui-même était prêt à le dédommager, autant que possible, de l’interruption apportée à son voyage de Kirkwall ; enfin que le capitaine Cleveland désirait avoir l’agrément de M. Troil, pour lui présenter ses respects à bord du brick, le remercier de l’asile qu’il lui avait donné, et s’excuser des circonstances malheureuses qui avaient occasionné la détention du respectable udaller.

C’était Bunce, comme l’homme le moins grossier de l’équipage, que Cleveland avait chargé de ce message. Le vieil udaller, qui parlait toujours franchement, lui fit la réponse suivante : « Dites à votre capitaine que je serais ravi de pouvoir penser que tous ceux qu’il a jamais arrêtés en pleine mer n’ont pas eu à souffrir plus que moi. Dites-lui encore que si nous continuons à être amis, ce sera à distance ; car j’aime aussi peu entendre le tonnerre de ses canons à boulets sur mer, qu’il aimerait, sur terre, à entendre siffler les balles de ma carabine. Dites-lui enfin que je suis fâché de m’être trompé à son égard, et qu’il aurait mieux fait de réserver pour les Espagnols les mauvais traitements dont il accable ses compatriotes. — C’est là votre message, vieux sac à colère ! dit Bunce ; que je meure si je n’ai pas envie de m’acquitter de votre commission par dessus l’épaule gauche, et de vous apprendre le respect que l’on doit à des gentilshommes de fortune ! Mais je ne le ferai point pour l’amour de vos deux jolies filles ; sans rien dire de mon vieil ami Claude Halcro, dont le visage seul m’a rappelé les décorations à vue et les mouchures de chandelles. Ainsi donc, bonsoir, compère au bonnet de veau marin ; tout ce que nous avions à nous dire est dit. »

Dès que la barque fut partie avec les pirates, qui abandonnèrent le brick et retournèrent à leur propre bâtiment, Magnus, pour ne pas se fier sans nécessité à la bonne foi des gentilshommes de fortune, ainsi qu’ils s’appelaient eux-mêmes, mit son brick en marche ; et secondé par le vent, qui doubla encore au lever du soleil, il fit