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des voiles et du gouvernail… Pacolet ! » s’écria-t-elle d’une voix plus haute, « holà, ho ! Pacolet ! »

Une large pierre, placée au bas du mur de la chaumière, tomba au moment qu’elle finissait de parler, et à la surprise de Cleveland, sinon à sa frayeur, on aperçut le corps contrefait du nain qui, semblable à un reptile, sortait d’un passage souterrain dont la pierre fermait l’entrée.

Norna, comme si l’impression qu’avaient faite sur elle les paroles de Cleveland au sujet de ses prétentions à un pouvoir surnaturel durait encore, fut si loin de chercher à profiter de cette occasion pour le réclamer de nouveau, qu’elle se hâta d’expliquer le phénomène dont il avait été témoin, et elle dit :

« De semblables passages, dont les entrées sont soigneusement cachées, ne sont pas rares dans ces îles… ce sont des retraites où se réfugiaient les anciens habitants pour échapper à la rage des Normands, pirates de l’époque. C’était pour que vous pussiez en profiter vous-même en cas de besoin que je vous ai amené ici. Si vous remarquez que l’on vous poursuit, vous pouvez vous cacher dans les entrailles de la terre jusqu’à ce que les gardes soient passés, ou, si vous aimez mieux, vous évader par l’issue qui est proche du lac, et par où Pacolet vient d’entrer… et maintenant, adieu ! Songez à ce que je vous ai dit ; car, aussi certainement que vous agissez en ce moment et que vous respirez comme un être vivant, aussi certainement votre sentence est rendue et scellée, à moins qu’avant vingt-quatre heures vous n’ayez doublé le promontoire de Burgh. — Adieu, la mère ! » dit Cleveland tandis qu’elle sortait en jetant sur lui un regard dans lequel il put distinguer à la lumière de la lampe autant de douleur que de déplaisir.

L’entrevue qui se termina ainsi eut un puissant effet sur l’esprit de Cleveland, tout accoutumé qu’il était à courir d’immenses périls et à s’y soustraire d’une façon merveilleuse. En vain il essaya de chasser l’impression produite par les dernières paroles de Norna : elle était d’autant plus profonde, que ses discours avaient été presque entièrement dépouillés du ton mystérieux qu’il méprisait, et qu’elle prenait d’habitude. Mille fois il regretta d’avoir différé de jour en jour la résolution qu’il avait formée depuis long-temps de quitter son terrible et dangereux métier ; et aussi, souvent, il se promettait que, s’il pouvait voir encore une fois Minna, ne fût-ce que pour un dernier adieu, il sortirait du sloop pour n’y plus rentrer, dès que ses camarades seraient tirés de leur périlleuse situa-