Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/40

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tôt, » fut la conclusion de Mordaunt, qui ne pouvait nier les signes qui n’avaient pas échappé à sa subtile observation. « Si l’orage est trop violent, je passerai la nuit à Stourburgh. — Quoi ! s’écria Magnus, nous quitterez-vous pour le tacksman écossais du nouveau chambellan, qui va nous enseigner à nous tous, sauvages Shetlandais, de nouveaux procédés ? Agissez à votre fantaisie, mon garçon, si vous chantez une pareille chanson. — Non, répondit Mordaunt ; j’ai seulement envie de voir quelques nouveaux instruments qu’il a apportés. — Oui, oui, la nouveauté fait des têtes folles : je voudrais bien savoir si sa nouvelle charrue mordra sur un rocher shetlandais ? répliqua l’udaller. — Je m’arrêterai en route à Stourburgh, » reprit le jeune homme, en évitant de heurter les préjugés du magnat contre les innovations ; « je m’arrêterai dans le cas seulement où ces présages nous amèneraient une tempête ; mais si ces nuages fondent en pluie, comme il est fort probable, je ne fondrai sans doute pas pour être un peu mouillé. — L’ouragan ne se bornera point à une averse, dit Minna ; voyez comme le ciel devient de plus en plus noir… voyez comme par intervalle des rayons rouge-pâle et pourpre traversent cette masse couleur de plomb. — Je vois, répondit Mordaunt ; mais tout cela me dit seulement que je n’ai pas de temps à perdre. Adieu, Minna ; je vous enverrai des plumes d’aigle, si on peut trouver un seul aigle dans Fair-Isle ou Foulab. Portez-vous bien aussi, ma petite Brenda, et gardez-moi une pensée, quand même les jeunes gens de Paba danseraient aussi bien que vous le pensez. — Prenez garde à vous, puisque vous voulez partir, » dirent les deux sœurs en même temps.

Le vieux Magnus les gronda formellement pour supposer qu’un jeune et brave gaillard s’exposât au moindre péril en affrontant une bouffée de vent du printemps, sur mer ou sur terre. Pourtant il finit lui-même par donner aussi son conseil à Mordaunt, et le supplia, d’un ton sérieux, de retarder son départ, ou du moins de s’arrêter à Stourburgh. « Car, dit-il, les secondes pensées sont les meilleures ; et comme le nid de l’Écossais est droit sur votre passage, ma foi, dans une tempête, on entre dans tous les ports. Mais n’allez pas croire que vous trouverez la porte fermée seulement au loquet, quelle que soit la furie de la tempête. Il y a là ce qu’on appelle en Écosse verroux et barres, quoique nous n’en connaissions rien ici, remercions-en saint Ronald, sinon la grande serrure du vieux château de Scalloway, que tout le monde court voir… mais cela fait peut-être partie des améliorations de cet homme. Partez donc, Mor-