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même, je suppose, monsieur le quartier-maître, répliqua Jack Bunce ; mais cela ne prendra pas… Celui qui commande des gentilshommes doit être un gentilhomme lui-même, je pense, et je donne mon vote au capitaine Cleveland, comme au plus vaillant et au plus digne gentilhomme qui ait jamais attaqué un navire en mer. — Eh ! mais, vous vous appelez gentilhomme, je crois ! riposta Derrick ; ma foi… malgré vos beaux yeux, un tailleur en ferait un meilleur avec les plus méchantes nippes de votre garde-robe de comédien ambulant !… C’est une honte pour des gens de cœur d’avoir à bord un M. Belle-Jambe comme celui-là. »

Jack fut si courroucé de ces insultes qu’il mit sans plus tarder la main sur la garde de son sabre. Mais le charpentier et le contremaître intervinrent, l’un en brandissant sa large hache et en jurant qu’il fendrait le crâne à celui qui porterait le premier coup, et l’autre en leur rappelant que toute dispute, toute querelle, et à plus forte raison tout combat était strictement défendu à bord ; que si deux gentilshommes avaient une contestation à arranger, ils devaient aller à terre et la vider au sabre ou au pistolet en présence de deux camarades.

« Je n’ai de différend avec personne !… » dit Goffe brusquement. « Le capitaine Cleveland s’est promené dans ces îles pour s’amuser !… et nous avons perdu temps et richesses à l’attendre, quand nous aurions pu ajouter vingt ou trente mille dollars à la bourse commune. Cependant s’il plaît au reste des gentilshommes corsaires de le laisser partir, je n’en murmurerai pas ! — Je propose, dit le contre-maître, qu’aux termes du règlement, il y ait assemblée générale dans la grande cabine, pour délibérer sur la marche à suivre dans cette affaire. »

Un assentiment unanime accueillit la proposition du contre-maître ; car tout le monde trouvait son compte à ces assemblées générales où chacun des pirates avait droit de voter. Mais la grande raison pour laquelle l’équipage s’applaudissait de cette franchise, c’était que dans ces solennelles occasions on distribuait l’eau-de-vie à qui en voulait… droit que les corsaires ne manquaient pas d’exercer dans toute son étendue afin de s’aider dans leurs délibérations. Mais quelques uns de ces aventuriers, qui joignaient tant soit peu de jugement au caractère hardi et entreprenant de leur profession, avaient coutume en pareil cas de garder certaines bornes et de rester à peu près sobres ; ainsi c’était par eux, avec l’apparence d’une décision rendue en assemblée géné-