Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/364

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fini, de par Dieu, le jour où vous avez perdu votre navire. Allez donc au diable ! »

Et ici, une fois pour toutes, nous pouvons remarquer que c’était la gracieuse coutume de ce commandant de mélanger les jurons et les autres mots par quantités à peu près égales, ce qu’il appelait mettre des bordées dans ses discours. Comme cependant ses décharges d’artillerie ne sont pas de notre goût, nous indiquerons seulement, par des blancs pareils à celui-ci, — — les endroits où devront être placées ces explétives ; et ainsi (que le lecteur nous pardonne une fort mauvaise pointe), les volées de canon du capitaine Goffe se trouveront tirées en blanc.

Cleveland répondit qu’il ne désirait aucune dignité et n’en accepterait aucune, mais qu’il priait seulement le capitaine Goffe de lui prêter la chaloupe pour se rendre dans une autre île, attendu qu’il ne voulait ni commander Goffe ni rester sur un vaisseau à ses ordres.

« Et pourquoi pas sur un vaisseau à mes ordres, confrère ? » demanda Goffe d’un ton dur ; « — — êtes-vous un trop beau sire — — avec vos airs et vos tons pour servir sous mes ordres, quand — — il y a ici tant de gentilshommes plus âgés et meilleurs marins que vous ? — J’ignore quel est celui de ces fameux marins, » dit Cleveland avec calme, « qui a placé le navire sous le feu de cette batterie de six canons qui pourrait le couler à fond, pour peu qu’on en eût envie, avant que vous pussiez couper le câble ou décamper. Des marins plus vieux et meilleurs que moi peuvent aimer à servir sous un semblable nigaud, mais quant à moi, je vous prie de m’excuser, capitaine… voilà tout ce que je voulais vous dire. — De par Dieu ! je crois que vous êtes fous, reprit Hawkins le contre-maître… Une rencontre au sabre et au pistolet peut, dans ce sens, n’être pas à dédaigner quand on n’a rien de mieux à faire ; mais que diable aurions-nous fait de notre sens commun si des gentilshommes de notre espèce allaient passer leur temps à se quereller les uns avec les autres pour donner à ces insulaires aux ailes de canard et aux pieds membraneux l’occasion de nous casser la tête à tous ? — Bien parlé, vieil Hawkins ! » dit Derrick le quartier-maître, qui était un officier de très grande importance parmi ces corsaires ; « je dis que si les deux capitaines ne s’arrangent pas tranquillement ensemble, et ne sont pas en état de n’avoir qu’un cœur, qu’une tête pour la défense du vaisseau, il faut… le diable m’enlève !… les déposer tous deux, et m élire un autre à leur place. — À savoir vous-