Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/358

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peler ma mère, vous qui m’avez comblé de tant de bienfaits, et vous recevrez toujours de moi l’affection et les égards d’un fils ; mais la chaîne dont vous parlez a disparu de mon cou… je ne l’ai pas revue depuis que ce scélérat m’a blessé. — Hélas ! se peut-il que tu penses en ce moment à cette chaîne !… » dit Norna avec un accent douloureux ; « mais, soit. Sache que c’est moi qui te l’ai reprise pour l’attacher au cou de celle qui t’est le plus chère, comme un signe que votre union, qui a été le seul désir terrestre qu’il me fût possible de former, s’accomplira un jour… Oui, dût l’enfer s’entr’ouvrir et s’opposer à cette alliance ! — Hélas ! » dit Mordaunt avec un soupir, « vous oubliez la différence de nos situations… Son père est riche et d’ancienne famille. — Pas plus riche que ne le sera l’héritier de Norna de Fitful-Head… pas d’un sang meilleur ni plus ancien que le sang qui coule dans tes veines, et que tu tiens de ta mère ; car elle descend des mêmes comtes et rois de la mer de qui Magnus se glorifie de tirer origine… Penses-tu donc comme les pédants et fanatiques étrangers qui sont venus s’établir parmi nous, que ton sang est déshonoré parce que mon union avec ton père n’a point reçu la sanction d’un prêtre ?… Apprends que nous nous sommes mariés d’après l’ancienne mode des Norses… Nos mains se sont unies dans le cercle d’Odin, avec des vœux si solennels d’une éternelle fidélité, que même les lois de ces usurpateurs écossais les eussent sanctionnés comme équivalant à une bénédiction devant l’autel. Magnus n’a rien à reprocher à un fils né d’une telle union. Il y eut faiblesse… il y eut crime de ma part, mais l’infamie n’en doit pas retomber sur la naissance de mon fils. »

La manière calme et réfléchie dont Norna discutait ces différents points, commença à persuader à Mordaunt qu’elle disait la vérité. Elle ajoutait tant de circonstances, toutes liées entre elles d’une façon si satisfaisante et si raisonnable, qu’il semblait impossible de supposer que cette histoire ne fût qu’une illusion de cette démence qui se montrait quelquefois dans ses actions et dans ses paroles. Mille idées confuses se croisèrent dans son esprit, quand il crut possible que cette malheureuse femme qu’il voyait devant lui eût réellement droit de réclamer de lui le respect et l’affection dus à une mère. Il ne put chasser ses idées qu’en occupant son esprit d’un objet différent, mais qui n’avait guère moins d’intérêt ; se promettant intérieurement de prendre le temps qu’il lui fallait pour obtenir de nouveaux détails et se livrer à de mûres réflexions, avant d’admettre ou de rejeter les prétentions que s’attribuait Norna à sa