Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/355

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tion d’un homme qui a reçu une grave blessure ; et nous le retrouvons maintenant en convalescence, pâle et faible néanmoins, par suite d’une grande perte de sang et d’une fièvre qui s’était emparé de lui après sa blessure. Il avait été assez heureux pour que l’arme de son adversaire eût glissé sur les côtes et occasionné seulement une grande effusion de sang sans attaquer aucune partie vitale, et il était alors presque guéri : tant avaient de vertu les vulnéraires et les onguents que lui avait administrés la savante Norna de Fitful-Head !

La matrone et son malade habitaient alors tous deux une maison située dans une île plus éloignée. Mordaunt avait été transporté, pendant sa maladie et avant qu’il eût parfaitement repris connaissance, d’abord à la singulière habitation de la sibylle, près de Fitful-Head, et un des bateaux pêcheurs qui stationnaient à Burgh-Westra l’avait ensuite conduit au lieu où il se trouvait actuellement. Car tel était l’empire qu’avait acquis Norna sur les esprits superstitieux de ses compatriotes, qu’elle ne manquait jamais de trouver des agents fidèles pour exécuter ses ordres, quels qu’ils fussent ; et comme en pareille occasion elle recommandait presque toujours de garder le plus profond secret, les insulaires s’étonnaient tour à tour de certains événemens qui, de fait, avaient été produits par leur intervention ou celle de leurs voisins, et dans lesquels, s’ils eussent communiqué librement entre eux, il ne serait pas resté l’ombre du merveilleux.

Mordaunt était alors assis au coin du feu dans un appartement assez bien meublé, tenant à la main un livre qu’il regardait de temps à autre avec des signes d’ennui et d’impatience. Enfin ces sentiments le dominèrent à tel point, que, jetant le volume sur la table, il fixa ses regards sur le feu, et sembla livré à de pénibles méditations.

Norna qui était alors assise devant lui, et paraissait s’occuper de la composition d’une drogue ou d’un onguent, se leva avec inquiétude, et s’approchant de Mordaunt, lui tâta le pouls, en lui demandant, du ton le plus affectueux, s’il avait ressenti une douleur subite et où gisait son mal. Mordaunt répondit qu’il ne ressentait aucun mal ; et, quoiqu’il fît cette réponse d’un ton qui témoignait une haute gratitude pour celle qui l’avait interrogé, la pythonisse n’en parut point satisfaite.

« Jeune ingrat pour qui j’ai tant fait, dit-elle, vous que j’ai retiré, par ma puissance et mon savoir, du seuil même de la tombe…