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tant d’énergie, que Bryce Snailsfoot, gaillard assez vigoureux pourtant, fut tout-à-fait déconcerté par la vivacité de l’attaque, et fit à peine un effort pour se dégager ; seulement il beugla au secours comme un taureau. Les officiers, qui ne se pressaient guère, arrivèrent enfin ; ils tâchèrent de saisir Cleveland, et, en l’attaquant tous ensemble, l’obligèrent à lâcher le colporteur pour se défendre lui-même contre leur attaque. Il le fit avec infiniment de vigueur, de courage et d’adresse, secondé par son ami Jack Bunce, qui avait vu avec un extrême plaisir le colporteur recevoir les coups, et qui combattait alors vaillamment pour sauver son camarade des conséquences. Mais comme depuis quelque temps la mésintelligence existait entre les habitants de la ville et l’équipage du pirate, les premiers, provoqués par l’insolente conduite des marins, avaient résolu de se porter mutuellement secours et de soutenir la force armée dans les querelles qui s’élèveraient à l’avenir. En cette occasion, tant de spectateurs vinrent prendre parti pour les constables, que Cleveland, après avoir courageusement combattu, fut enfin renversé à terre et fait prisonnier. Son compagnon plus heureux s’était échappé, grâce à la vitesse de ses jambes, dès qu’il avait vu que les honneurs de la journée ne pouvaient être pour eux.

Le cœur fier de Cleveland, qui, dans sa perversité, conservait des sentimens dignes de sa noblesse première, faillit se briser lorsqu’il se vit terrassé dans cette misérable querelle… Entraîné vers la ville comme prisonnier et conduit à travers les rues vers l’hôtel de ville, où les magistrats de la cité s’étaient assemblés en conseil, la probabilité d’un emprisonnement avec toutes ses conséquences se présentait à son esprit, et il maudit mille fois sa sottise de ne s’être pas soumis au brigandage du colporteur, plutôt que de s’exposer à une position si périlleuse.

Mais au moment même où ils arrivèrent à la porte de l’hôtel, qui était situé au milieu de la petite ville, la face des affaires fut soudainement changée par un incident inattendu.

Bunce, qui dans sa retraite précipitée avait voulu secourir son ami autant que lui-même, s’était rendu à la baie où la barque du pirate était alors amarrée, et avait appelé les hommes de l’équipage au secours de Cleveland. Il arriva donc sur le lieu de la scène des lurons déterminés, comme il convenait à leur profession, les traits bronzés par le soleil du tropique, sous lequel ils l’avaient exercée. Ils s’élancèrent au milieu de la foule, l’écartant à coups de