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bouilli et rôti ! — Vous vous trompez en ceci, maître Claude, répondit Magnus ; car, loin de vouloir me donner à souper, je pense, moi, que, dans cette heureuse soirée, le diable a emporté bien loin une grande partie de mon repas ; vous n’en êtes pas moins le bienvenu à partager ce qu’on nous a laissé. »

Pendant ce court dialogue toute la compagnie entra dans la hutte.

Là, dans une cabane qui sentait fortement le poisson séché, et dont les murailles et le plafond étaient noirs de fumée, ils trouvèrent le malheureux Triptolème Yellowsley, assis au coin d’un feu qu’il entretenait avec des plantes marines, de la tourbe et des débris de vaisseau. Son seul compagnon était un jeune Shetlandais, pieds nus et cheveux roux, qui servait dans l’occasion de page à Claude Halcro, portait le violon sur ses épaules, sellait le cheval, et rendait au poète mille services et soins du même genre. L’agriculteur désolé (car son visage annonçait le chagrin) ne parut pas surpris, et ne bougea nullement à l’arrivée de l’udaller et de sa suite. Mais, quand la compagnie se fut rangée autour du feu (et l’humidité de l’air et de la nuit était loin d’en rendre le voisinage désagréable), quand le panier fut ouvert et qu’on en eut tiré une honnête provision de pain d’orge et de bœuf fumé, un flacon d’eau-de-vie (bien qu’il fût plus petit que celui dont la main de Pacolet avait régalé l’Océan), enfin de quoi faire un souper passable, oh ! alors le digne facteur grimaça, toussa, se frotta les mains, et demanda des nouvelles de tous ses amis de Burgh-Westra.

Lorsque tout le monde eut pris part à cet indispensable repas, l’udaller renouvela ses questions à Claude Halcro et plus particulièrement au facteur… Comment se trouvaient-ils nichés dans un coin si solitaire à pareille heure de la nuit ?

« Monsieur Magnus Troil, » répondit Triptolème, lorsqu’un second verre lui eut donné le courage de raconter ses infortunes, « je voudrais que vous pensassiez que je ne m’attriste pas facilement… Je suis de ce grain qu’un rude vent peut seul abattre. J’ai vu bien des Saint-Martin et bien des Pentecôte dans ma vie, époques périlleuses pour les gens de ma profession, et j’ai toujours pu parer le coup ; mais je crois que je m’en vais faire la culbute dans votre damné pays… Dieu me pardonne de jurer… mais mauvaise société