Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/321

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Magnus partageait la même opinion, car il connaissait bien la musique du petit vieillard ; il adressa donc à la hutte un cordial bonsoir auquel répondit immédiatement une voix joviale, et Halcro en personne vint jusqu’au rivage pour saluer son vieil ami.

L’udaller fit alors signe à son monde d’avancer, tandis qu’il demandait au poète, après un amical salut et de nombreuses poignées de main, « comment diable il se trouvait, comme un hibou criant au clair de la lune, à jouer ses vieux airs dans un endroit si solitaire ? — Dites-moi plutôt, fowd, répliqua Claude Halcro, comment vous êtes-vous trouvé à portée de m’entendre ?… oui, et sur ma parole, avec vos charmantes filles ?… Ma chère Minna et ma chère Brenda, je vous souhaite la bienvenue sur ces sables jaunes… et frappez-moi dans la main, comme dit le glorieux John ou quelque autre poète en pareille occasion. Et comment êtes-vous venues ici comme deux beaux cygnes, faisant de la nuit le jour, et changeant en argent tout ce qui se trouve sur vos pas ? — Nous allons vous conter notre histoire tout à l’heure, répliqua Magnus ; mais quels camarades avez-vous logés dans la hutte avec vous ? Il me semble que j’entends parler. — Personne, répondit Claude Halcro ; seulement cette pauvre créature, le facteur, et mon petit démon, Gilles. Je… mais entrez… entrez… Nous étions là à nous consoler de mourir de faim… Nous n’avons pas même pu nous procurer une poignée de sillocks pour amour ni pour argent ! — C’est un malheur que l’on peut réparer en partie, dit l’udaller ; car, quoique le meilleur de notre souper ait été servi par dessus les rochers de Fitful aux veaux marins et aux chiens de mer, pourtant nous avons encore quelque chose au bissac. Holà ! Laurence, apporte les vivres. — Oui, monsieur… oui, monsieur, » répondit joyeusement Laurence, et il courut chercher le panier.

« Par le bicker de saint Magnus[1], dit Halcro, et par le plus gros évêque qui l’ait jamais vidé à la prospérité du pays, on ne trouva jamais votre buffet vide, Magnus ! Je pense vraiment, que plutôt que de laisser un ami dans le besoin, vous pourriez, comme le vieux magicien Luggie[2], pêcher dans le lac Kibster du poisson

  1. Le bicker de saint Magnus était un vase d’une énorme dimension que l’on conservait à Kirkwall, et que l’on présentait à chaque nouvel évêque des Orcades. Si l’évêque pouvait le vider d’un trait, exploit digne d’un Hercule, ou d’un Rorie Mhor de Dunvergan, c’était l’augure d’une récolte extraordinairement abondante.
  2. Luggie, fameux sorcier, avait coutume, lorsqu’une tempête l’empêchait d’aller à son occupation ordinaire de pêcheur, de pêcher à la ligne sur un rocher escarpé, à l’endroit appelé de son nom la colline de Luggie. En d’autre temps il tirait de la mer du poisson tout préparé, et ses camarades en mangeaient sans s’inquiéter du nom de leur cuisinier. Le pauvre homme finit par être condamné et brûlé à Scakoway.