CHAPITRE XXIX.
grand embarras.
Norna semblait avoir véritablement des droits à la reconnaissance de l’udaller par l’amélioration qu’elle avait produite dans l’état de la jeune fille. Tandis que la sibylle ouvrait de nouveau la croisée, Minna, s’essuyant les yeux et s’avançant avec un air de tendre confiance, se jeta au cou de son père et lui demanda pardon du trouble qu’elle lui avait occasionné. Il est inutile d’ajouter que ce pardon fut accordé avec toute la tendresse possible, quoique avec la brusquerie ordinaire de Magnus qui embrassa sa fille aussi vivement et autant de fois que s’il venait de la retirer des griffes de la mort. Quand Magnus l’eut serrée dans ses bras, Minna courut se jeter dans ceux de sa sœur, et tâcha de lui exprimer, plutôt par des baisers et par des larmes que par des paroles, le regret qu’elle éprouvait de sa bizarre conduite des jours précédents. Cependant l’udaller crut qu’il était indispensable de témoigner sa gratitude à leur hôtesse dont l’habileté avait été si efficace. Mais à peine avait-il commencé en disant : « Très respectée parente, je ne suis qu’un pauvre vieux Norse… » qu’elle l’interrompit en mettant un doigt sur ses lèvres.
« Autour de nous, dit-elle, sont des êtres qui ne doivent jamais entendre une voix humaine, jamais voir sacrifier aux sentiments humains… Il y a des temps où ils se mutinent même contre moi, leur souveraine maîtresse, parce que je suis encore recouverte de la chair de l’humanité. C’est pourquoi craignez et soyez silencieux. Moi, qui par mes actions me suis élevée par delà la modeste vallée de la vie, asile de la misère et de l’aumône… moi, qui ai dépouillé