Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/305

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pouvait concevoir que des craintes vagues et indéfinies sur la nature de la scène qui allait avoir lieu ; mais ces appréhensions se perdaient, pour ainsi dire, dans celles qui l’accablaient au sujet de sa sœur qui, avec une constitution affaiblie, un courage abattu, et un esprit si susceptible de recevoir les impressions que ce lieu devait provoquer, s’asseyait là, résignée aux volontés d’une femme dont la science pouvait produire les plus funestes effets sur la pauvre malade.

Brenda contemplait Minna assise sur cette chaise grossière de pierre noire ; ses formes gracieuses et ses membres bien proportionnés faisaient le contraste le plus heurté avec les angles lourds et irréguliers de ce siège ; les joues et les lèvres de la malade étaient aussi pâles que la craie ; elle avait les yeux levés au ciel et brillants de résignation et d’enthousiasme, mélange qui provenait de sa maladie et de son caractère. La jeune sœur regardait ensuite Norna qui se parlait à voix basse et sur un ton monotone, tandis que, furetant dans toute la chambre, elle rassemblait différents objets qu’elle plaçait un à un sur la table. Enfin Brenda lançait aussi des regards inquiets sur son père pour essayer de découvrir s’il partageait ses propres craintes sur les résultats de l’opération qui allait se faire, vu l’état physique et moral de Minna. Mais Magnus Troil ne paraissait éprouver aucune appréhension : il regardait avec un maintien sérieux les préparatifs de Norna ; il était calme comme un homme qui attend avec confiance l’issue d’une opération douloureuse faite sur un objet chéri par les mains d’un chirurgien expérimenté.

Cependant Norna ne prit pas un moment de repos avant d’avoir placé sur la table de pierre une foule d’objets divers, entre autres un petit réchaud plein de charbon de bois, un creuset et une feuille de plomb très mince ; elle dit alors à haute voix : « Il est heureux que j’aie prévu que vous viendriez ici… oui, long-temps même avant que vous y ayez songé… autrement, aurais-je pu préparer ce qu’il s’agit d’exécuter à présent ?… Jeune fille, » continua-t-elle en s’adressant à Minna, « où est ton mal ? »

La patiente répondit en appuyant sa main à gauche contre son sein.

« C’est cela, répliqua Norna, cela même… c’est le siège de tout bien et de tout mal. Et vous, son père et sa sœur, ne pensez pas que ce soient là les vains discours d’une femme qui parle par conjectures. Si je puis nommer le mal, peut-être serai-je capable de le