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pas déconcerté par une réception si singulière, entama la conversation de la manière suivante :

« Je vous souhaite le bonjour, cousine Norna… mes filles et moi nous venons de loin pour vous voir. »

Norna leva les yeux de dessus son bouquin, considéra attentivement les personnes qui lui rendaient visite, puis elle reprit tranquillement sa lecture.

« Eh bien, cousine, continua Magnus, prenez votre temps : nos affaires avec vous peuvent être différées, selon votre loisir. Voyez donc, Minna, comme l’on distingue bien d’ici le cap à environ un quart de mille ; vous pouvez apercevoir les vagues qui s’y brisent à la hauteur d’un grand mât. Notre cousine a un joli veau marin aussi… Ici, mon mignon, mon bonhomme, tou-tou… »

Le veau marin ne répondit aux tentatives que faisait l’udaller pour lier connaissance, que par un grognement.

« Il n’est pas aussi bien élevé, » poursuivit l’udaller en affectant un air d’aisance et d’indifférence, « que celui de Pierre Mac-Raw, le vieux joueur de cornemuse de Stornoway, car le veau marin de Pierre remuait la queue à l’air de Caberfae, et ne prêtait l’oreille à aucun autre. Eh bien, cousine, » ajouta-t-il en voyant Norna fermer son livre, « allez-vous enfin nous souhaiter la bienvenue, ou devons-nous aller la chercher ailleurs, maintenant qu’il commence à se faire tard ? — Génération à cœur dur et insensible, aussi sourde que la couleuvre à la voix de l’enchanteur, » répondit Norna en se tournant vers eux, « que venez-vous me demander ?… Vous avez méprisé tous mes avis lorsque je vous annonçai le mal à venir, et maintenant qu’il est venu, vous recherchez mes conseils lorsqu’ils ne peuvent vous servir de rien. — Voyez-vous, parente, » dit l’udaller avec sa franchise ordinaire, avec son ton et ses manières sans gêne, « je ne puis m’empêcher de vous dire que votre accueil est des moins avenants et des plus froids. Je ne saurais dire que j’aie jamais vu une couleuvre, attendu qu’il n’y en a point dans notre pays ; mais d’après l’idée que je me forme d’un tel animal, c’est un mauvais terme de comparaison avec moi ou mes filles. À cause de notre vieille connaissance et de certaines autres raisons, je ne quitte pas votre maison à l’instant ; mais comme j’y suis venu à bonne intention et avec civilité, je souhaite que vous me receviez de même, autrement, nous partirons en laissant la honte sur votre seuil inhospitalier. — Comment, répliqua Norna, osez-vous tenir un pareil langage dans la maison d’une femme dont tout le monde,