Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/293

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maudire mille fois sa cousine, pour avoir conlé à ses filles une histoire si effrayante.

« J’ai souvent ouï dire, poursuivit-il, qu’elle était tout-à-fait folle, maigre son expérience et sa connaissance des saisons ; et, par les os de mon patron le martyr ! je commence dès aujourd’hui à le croire très fermement. Je ne sais pas plus comment conduire la barque que si j’avais perdu mon compas. Si j’avais su cela avant de partir, je pense que nous serions restés à la maison ; mais à présent que nous sommes si loin, et que Norna nous attend… — Nous attend, mon père ! s’écria Brenda ; et comment est-ce possible ? — Ma foi, je l’ignore ; mais elle, qui peut dire de quel côté doit souffler le vent, peut dire aussi par quelle route nous avons dessein de voyager. Peut-être a-t-elle fait ce mal à ma famille pour ce que je lui ai dit au sujet de ce jeune Mordaunt Mertoun ; en ce cas, elle peut y apporter remède ; et certes elle y remédiera, ou je saurai pourquoi ; mais j’essayerai d’abord en parlant avec douceur. »

Voyant qu’il était décidé qu’on irait en avant, Brenda voulut ensuite apprendre de son père si l’histoire de Norna était réellement fondée sur la vérité : il branla la tête, soupira amèrement, et avoua en peu de mots que tout était vrai en ce qui concernait l’intrigue de sa cousine avec un étranger ; quant à la mort de son père, dont elle avait été la cause accidentelle et fort innocente, c’était un fait triste, mais incontestable. « Mais son enfant, ajouta-t-il, je n’ai jamais pu savoir ce qu’il était devenu. — Son enfant ! répéta Brenda : elle ne nous a pas dit un mot de son enfant. — Alors je voudrais que ma langue se fût desséchée avant d’avoir prononcé ce mot. Je m’en aperçois, jeune ou vieux, un homme n’a pas plus de chance pour vous cacher un secret, à vous autres femmes, qu’une anguille pour rentrer dans son trou quand elle est serrée par un nœud coulant de crins de cheval ; un peu plus tôt, un peu plus tard, le pêcheur l’attrape toujours, une fois qu’elle a le nœud autour du cou. — Mais cet enfant, mon père, » dit Brenda, insistant encore sur les détails de cette histoire extraordinaire, « que devint-il ? — Il fut emporté, j’imagine, par ce misérable Vaughan, « répondit l’udaller d’un ton brusque qui indiquait clairement que le sujet n’était pas de son goût.

« Par Vaughan ? dit Brenda, l’amant de la pauvre Norna, sans doute !… Quelle espèce d’homme était-ce, mon père ? — Ma foi il ressemblait aux autres, j’imagine ; je ne l’ai jamais vu de ma vie… Il faisait société avec les familles écossaises de Kirkwall, et moi avec