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meté d’âme naturelle l’empêcha de succomber sous le poids de l’horrible secret qui la poursuivait pendant qu’elle était éveillée, et la tourmentait encore davantage durant son sommeil agité. Il n’est pas de douleur si terrible que celle que nous n’osons communiquer, et pour laquelle nous ne pouvons ni demander ni souhaiter de sympathie ; et si en outre le fardeau d’un coupable mystère est porté par un cœur innocent, on ne s’étonnera guère que la santé de Minna ait succombé à tant de souffrances.

Aux yeux de ses intimes amis, ses habitudes, ses manières, son caractère même, semblaient changés à un point si extraordinaire, qu’il n’était pas surprenant que les uns attribuassent ce changement à un sortilège, et les autres à un commencement de folie. Il lui devint impossible de souffrir la solitude où elle se plaisait autrefois à passer son temps ; néanmoins, quand elle se trouvait en société, c’était sans participer et sans prendre garde à ce qui se passait. En général, elle paraissait plongée dans une triste et pénible mélancolie, jusqu’à ce que son attention fût subitement éveillée par le nom de Cleveland ou celui de Mordaunt, accidentellement prononcé ; car alors elle tressaillait avec toute l’horreur d’une personne qui voit mettre le feu à une mine, et s’attend à être soudain écrasée par les suites terribles de l’explosion. Bientôt elle reconnaissait que la fatale découverte n’était pas encore faite, et loin d’en éprouver, aucune consolation, elle souhaitait presque connaître la vérité, tout affreuse qu’elle pût être, plutôt que d’endurer l’agonie continuelle du doute.

Sa conduite à l’égard de sa sœur était si pénible pour la sensible Brenda, qu’elle semblait à tous ceux qui vivaient près de la famille un des signes les plus manifestes de la maladie de l’aînée des filles de Magnus. Quelquefois Minna recherchait avec empressement la société de sa sœur, comme sentant qu’elles devaient souffrir en commun d’un malheur dont elle seule pouvait mesurer l’étendue ; et puis soudain l’idée de l’infortune causée à Brenda par Cleveland, comme elle le supposait, lui rendait sa présence insupportable. Elle pouvait encore moins endurer les consolations que sa sœur, se méprenant sur la nature du mal, s’efforçait vainement de lui administrer. Souvent aussi il arrivait que Brenda, en suppliant sa sœur de prendre courage, touchait quelques sujets qui faisaient tressaillir l’infortunée jusqu’au fond de l’âme ; et alors Minna, pour cacher ses angoisses, sortait précipitamment de la chambre. Toutes ces manières bizarres, quoiqu’elles ressemblassent beaucoup, aux yeux de