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Swertha. Écoutez : mon père n’aime pas à se rappeler sa colère, lorsqu’elle est passée ; c’est un vrai Berserkar : quelque furieux qu’il puisse être aujourd’hui, il n’y songera plus demain. Il n’a point encore donné à une autre votre place au château ; depuis que vous êtes partie, nous n’avons rien mangé de chaud ; on n’a pas cuit de pain et nous avons vécu de tout ce qui nous est tombé sous la main. Or, Swertha, je vous réponds que si vous revenez hardiment au château, et reprenez tranquillement le cours de vos occupations, mon père ne vous adressera jamais la parole. »

Swertha hésita d’abord à suivre ce hardi conseil. Elle disait « qu’à son avis, M. Mertoun, quand il était en colère, ressemblait plus à un diable que tous les Benerkars ensemble ; le feu jaillissait de ses yeux, et l’écume sortait de ses lèvres ; et vraiment ce serait tenter la Providence que de courir de pareils risques une seconde fois. »

Mais, grâce aux encouragements qu’elle reçut du fils, elle se détermina enfin à reparaître encore devant le père ; et, s’habillant comme elle s’habillait toujours au château, car c’était un point que Mordaunt avait particulièrement recommandé, elle se glissa dans la maison, et reprenant les diverses et nombreuses occupations à elle dévolues, elle sembla aussi activement occupée des soins du ménage que si elle n’eût jamais perdu sa charge.

Le premier jour où Swertha reprit ses fonctions, elle ne se montra point devant son maître, mais elle crut qu’après avoir vécu de viandes froides pendant trois jours, un ragoût chaud, accommodé de son mieux, pourrait la rappeler agréablement à son souvenir. Mais quand Mordaunt lui eut rapporté que son père ne s’était pas aperçu du changement opéré dans leurs repas, et quand elle eut elle-même observé qu’en passant et repassant par hasard près de M. Mertoun, sa présence ne produisait aucun effet sur lui, elle commença à penser que toute l’affaire était sortie de la mémoire de son singulier maître ; elle ne fut convaincue du contraire qu’un jour où, venant à élever un peu la voix dans une dispute avec l’autre servante, son maître, qui passait alors près du lieu de la querelle, lui lança un terrible coup d’œil, et prononça ces deux mots : Souviens-toi ! d’un ton qui força Swertha à gouverner sa langue pour quelque temps.

Si Mertoun était original dans la manière de tenir son ménage,