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Dryden… l’udaller s’enivra et chanta des refrains… la soirée se termina comme de coutume dans le magasin dont Magnus Troil avait fait une salle de bal.

Ce fut alors et là que Cleveland, s’approchant de Magnus qui était assis entre ses deux filles, lui communiqua son intention d’aller à Kirkwall dans un petit brick que Bryce Snailsfoot, après avoir débité sa marchandise avec une promptitude sans exemple, avait frété pour ce port, afin de remonter sa balle.

Magnus écouta la résolution soudaine de son hôte avec surprise et non sans déplaisir, puis il demanda sèchement au capitaine depuis quand il avait appris à préférer la compagnie de Bryce Snailsfoot à la sienne propre. Cleveland répondit avec sa franchise ordinaire que le temps et la marée n’attendaient personne, et qu’il avait certaines raisons particulières pour aller à Kirkwall plus tôt que l’udaller n’avait l’intention de s’y rendre… qu’il espérait le revoir lui et ses filles à la grande foire qui était fort prochaine, et trouver le moyen de revenir avec eux aux îles Shetland.

Pendant que le capitaine parlait ainsi, Brenda tint ses yeux fixés sur sa sœur, autant qu’il était possible de le faire sans attirer l’attention générale. Elle remarqua que les pâles joues de Minna devenaient encore plus pâles à chaque mot de Cleveland, et qu’elle paraissait, en serrant les lèvres et en fronçant légèrement les sourcils, chercher à cacher la violente émotion qui agitait son cœur. Mais elle resta muette, et lorsque Cleveland, après avoir pris congé de l’udaller, s’approcha pour l’embrasser comme c’était l’usage, elle reçut son adieu sans oser même essayer de lui répondre.

Brenda allait avoir aussi son épreuve à subir ; car Mordaunt Mertoun, autrefois si cher à Magnus, prenait alors congé de lui sans obtenir un seul regard d’amitié ni d’intérêt. L’udaller laissa même échapper un sarcasme amer en souhaitant un bon voyage au jeune homme ; il lui recommanda, s’il trouvait une jolie fille en route, de ne pas rêver qu’elle était éprise d’amour pour lui, en cas qu’elle vînt à lui sourire. Mertoun rougit à ce propos qu’il regardait bien comme une insulte, mais dont il ne comprenait pas toute la portée ; il se souvint aussi de Brenda, et cacha toute apparence de ressentiment. Il vint présenter ses adieux aux deux sœurs. Minna, dont le cœur s’était de beaucoup adouci à son égard, les reçut avec assez d’intérêt ; mais la tendresse qui perçait dans les manières de Brenda, les larmes qui brillèrent dans ses