Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/252

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jourd’hui. Quant à mes mœurs, ceux qui me connaissent bien conviendront aisément que j’ai fait mon possible, au risque de ma popularité et de ma vie même, pour adoucir la férocité de mes compagnons ; mais comment enseigner l’humanité à des hommes qui brillent de se venger d’un monde où ils sont proscrits ? comment leur apprendre la tempérance et la modération à jouir des plaisirs que le hasard jette sur leur chemin pour adoucir une vie qui serait autrement une scène continuelle de périls et de souffrances ? Mais cette promesse, Minna, cette promesse qui est tout ce que je dois recevoir en retour de mon fidèle attachement… qu’au moins je ne perde pas mon temps à la solliciter. — Ce n’est pas ici qu’elle doit être faite, mais à Kirkwall… Il nous faut invoquer, comme témoin de l’engagement, l’Esprit qui préside à l’antique cercle de Stennis. Mais peut-être craindrez-vous de nommer l’ancien Père des guerriers morts dans l’action, le Sévère, le Terrible ? »

Cleveland sourit.

« Rendez-moi la justice de penser, aimable Minna, que je suis peu sujet à la crainte, lorsqu’il y a quelque motif de craindre ; et quant aux terreurs idéales, j’y suis tout-à-fait insensible. — Vous n’y croyez donc pas ? alors il vous conviendrait mieux d’être l’amant de Brenda que le mien. — Je crois tout ce que vous croyez. Tous les habitans du Walhalla dont vous causez si souvent avec ce fou poète et musicien, Claude Halcro, deviendront pour moi des êtres réellement existants… Mais, Minna, ne me demandez pas d’en craindre un seul. — D’en craindre un seul ?… Non, non, ne les craignez pas, répondit la jeune fille ; car jamais, pas même devant Thor ou Odin, quand ces dieux se montraient dans toutes leurs terreurs, les héros de ma race intrépide n’ont reculé d’un pas. Mais quand vous proférez cette vanterie, croyez que vous défiez un ennemi tel que vous n’en avez encore jamais rencontré. — Soit, dans ces latitudes septentrionales, » répliqua l’amant avec un sourire, « où jusqu’à présent je n’ai vu que des anges ; mais j’ai combattu, dans mon temps, les démons de la ligne équinoxiale que nous autres forbans nous supposons être aussi puissants et pervers que ceux du Nord. — Avez-vous donc contemplé ces merveilles qui sont au delà du monde visible ? » demanda Minna avec une sorte de frayeur.

Cleveland s’efforça de prendre un air grave et répondit : « Un peu avant la mort de mon père, je fus chargé, quoique encore très