Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/244

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Et Magnus, notre père :
Car aux jours de misère.
Il nous dit : Mes enfants !

Adieu, jeunes fillettes.
Aux regards enchanteurs :
Dansez sans nous, coquettes,
Mais gardez-nous vos cœurs.

Les rudes paroles de la chanson furent bientôt étouffées par le bruit monotone des vagues, mais l’air continua long-temps à se mêler au son de la mer et du vent, et les barques étaient comme autant de taches noires sur la surface de l’Océan : elles disparaissaient peu à peu, tandis que l’oreille pouvait encore distinguer des sons de voix humaine, presque aussitôt couverts par celle des éléments.

Les femmes des pêcheurs restèrent tant qu’elles purent apercevoir les voiles, puis elles prirent lentement, d’un air abattu et inquiet, le chemin des huttes, où elles avaient à faire les arrangements nécessaires pour préparer et sécher le poisson, dont elles espéraient voir leurs maris et leurs amis revenir lourdement chargés. Çà et là une vieille sibylle déployait l’importance d’un savoir acquis par les ans, pour prédire, selon l’apparence de l’atmosphère, que le vent serait bon ou mauvais, tandis que d’autres allaient commander un vœu à l’église de Saint-Ninian pour le salut des marins et de leurs barques, ancienne superstition catholique qui n’est pas encore totalement abolie. D’autres, mais d’un ton bas et craintif, exprimaient leurs regrets qu’on eût laissé, le matin même, Norna de Fitful-Head partir mécontente de Burgh-Westra… « De tous les jours de l’année, le premier jour de la pêche était celui qu’il fallait choisir pour la fâcher ! »

Les nobles hôtes de Magnus Troil, après avoir consacré le plus de temps possible à voir la petite flotte mettre à la voile, et à causer avec les pauvres femmes des pêcheurs, commencèrent alors à se séparer en différents groupes, en diverses bandes, et se dispersèrent dans toutes les directions où les entraînait un caprice, pour jouir de ce qu’on peut appeler le clair-obscur d’un jour d’été dans les îles Shetland ; cette lumière, dépouillée de son vif éclat qui réjouit d’autres contrées pendant la belle saison, a pourtant un caractère doux et agréable à elle propre, qui adoucit, en les attristant un peu, des paysages dont le ton froid, nu et monotone, présente un aspect aussi sauvage que stérile.