Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/240

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Un torrent couvre un lit de pierre,
Roule et précipite à grand bruit
Son onde un moment prisonnière.

L’udaller entendit cette réplique avec un vif ressentiment. « Par les os du martyr, » s’écria-t-il, tandis que sa joyeuse figure rougissait de dépit, « c’est un abus de ma courtoisie ! et si c’était tout autre que vous qui eût accolé le nom de ma fille avec le mot destruction, il aurait mieux fait de garder le silence. Mais sors de ta hutte, vieille dragonne, » ajouta-t-il avec un sourire… « j’aurais dû savoir qu’il ne t’est pas possible de te plaire long-temps à tout ce qui a une apparence de gaîté ; Dieu te garde ! » Sa sommation ne reçut pas de réponse, et après avoir attendu un instant, il lui adressa de nouveau la parole… « Bah ! ne m’en voulez point, parente, pour un mot trop lestement prononcé… vous savez que je ne veux de mal à personne, moins encore à vous… sortez donc, et donnons-nous la main… Vous auriez pu prédire le naufrage de mon vaisseau et de mes barques, ou une mauvaise pêche aux harengs, et je n’aurais pas soufflé mot ; mais Minna et Brenda, vous le savez, sont les objets de ma plus chère tendresse. Encore une fois, sortez, prenons-nous la main, et que tout soit fini. »

Norna ne faisait aucune réponse à ses appels réitérés, et les assistants commençaient à se regarder les uns les autres avec surprise, quand l’udaller, levant la peau qui couvrait l’entrée de la hutte, découvrit qu’il n’y avait plus personne. L’étonnement fut alors général, et la frayeur s’y joignit bientôt ; car il semblait impossible que Norna se fût échappée du sanctuaire où elle était renfermée, sans que la compagnie l’eût remarquée ; elle était pourtant partie, et l’udaller, après avoir réfléchi un instant, laissa retomber la peau d’ours sur l’entrée de la hutte.

« Mes amis, » dit-il avec une mine enjouée, « nous connaissons ma parente depuis long-temps, et nous n’ignorons pas que ses habitudes ne ressemblent guère à celles des gens ordinaires de ce monde. Mais elle veut du bien à l’Hialtland, elle a l’amour d’une sœur pour moi et ma maison : aucun de mes hôtes n’a donc sujet de craindre ou lieu de s’offenser. Je ne doute pas qu’elle ne revienne dîner avec nous. — Ah ! Dieu nous en garde ! s’écria mistress Yellowley… car, ma bonne lady Glowrowrum, pour dire la vérité à Votre Seigneurie, je n’aime pas les commères qui viennent et s’en vont comme un rayon de soleil ou une bouffée de vent. —